"L’économie se venge toujours" - Raymond BARRE
"On attire l'ennemi par la perspective d'un avantage ; on l'écarte par la crainte d'un dommage. " - SUN TZU
"Si la méchanceté des hommes est un argument contre la liberté, elle en est un plus fort encore contre la puissance. Car le despotisme n'est autre chose que la liberté d'un seul ou de quelques-uns contre tous" - Benjamin CONSTANT
"La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, et pas une création du besoin" - Gaston BACHELARD
"L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare " - Maurice BLONDEL
"Les crises de demain sont souvent le refus des questions d’aujourd’hui " - Patrick LAGADEC
"Les profits sont le sang vital du système économique, l’élixir magique sur lequel repose tout progrès. Mais le sang d’une personne peut être le cancer pour une autre " - Paul SAMUELSON
"La machine a jusqu’ici créé, directement ou indirectement, beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en a supprimés" - Alfred SAUVY
"La politique n'agit sur l'économie que si elle ne prétend pas le faire " - Jacques ATTALI
"Bien entendu, tout pays est sous-développé en ce sens que, n’étant pas encore parvenu à épuiser ses possibilités virtuelles, il est capable de continuer à avancer dans la voie du progrès technique" - Paul SAMUELSON
7 novembre 2013
Alors que l'Espagne est un des pays les plus durement touché par la crise globale, puis par la crise des dettes souveraines en Europe, le pays semble se diriger vers un horizon économique plus favorable. En effet, malgré des défis qui persistent et après un assainissement économique profond toujours en cours et douloureux socialement, le pays montre plusieurs signes significatifs d'amélioration.
Indicateur de la reprise économique
L'analyse de la balance courante résume à elle seule l'amélioration de la situation espagnole. La balance courante est une représentation des transactions avec le reste du monde. Elle retrace l'ensemble des transactions économiques et financières d'un pays avec l'extérieur. Après une longue phase de dégradation de cette balance depuis le début des années 2000, jusqu'à atteindre un point bas en 2008, les transactions de l'Espagne avec l'extérieur se sont très significativement améliorées. En effet, cette balance est passée d'un déficit d'environ 110 milliards d'euros en 2008 à un excédent d'environ 5 milliards d'euros en 2013.
Le retour des excédents courants provient essentiellement de l'amélioration des exportations. En effet, même si le retour des excédents a été facilité par la contraction des importations (-15% par rapport à leur pic de 2008), l'amélioration de la situation tient essentiellement à la hausse sensible des exportations (+21% par rapport à 2008). Ainsi, la concomitance de la baisse des importations et de la hausse des exportations explique très largement l'amélioration de la situation générale des transactions de l'Espagne avec l'extérieur.
La hausse des exportations est une des conséquences de la mauvaise conjoncture nationale. En effet, la faiblesse de la demande domestique a obligé les entreprises espagnoles à chercher de nouveaux relais de croissance. Ainsi, les entreprises espagnoles ont entrepris de trouver des marchés de substitution à l'extérieur de leurs frontières. Pour ce faire, elles ont dû s'organiser et faire les efforts nécessaires pour pénétrer les marchés nord africains et asiatiques, mais aussi et surtout les marchés d'Amérique Latine avec lesquels le pays entretient des liens économiques de longue date et qui ont toujours représenté un atout pour l'Espagne. Une fois de plus cet atout s'est révélé fort intéressant pour le pays.
Raisons de la reprise économique
La reprise n'aurait pas été possible sans une compétitivité retrouvée. En effet, le retour de la compétitivité espagnole après de longues années de dégradation s'explique essentiellement par la réforme du marché du travail qui a permis de flexibiliser les salaires et l'emploi afin de s'adapter à l'évolution de la conjoncture. Ainsi, d'une part, les salaires ont moins augmenté que par le passé (modération salariale) et, d'autre part, l'Espagne a été contrainte de détruire un grand nombre d'emplois. Tous ces éléments ont permis d'améliorer la productivité du travail et donc la compétitivité globale de l'économie.
L'ampleur et la rapidité de l'adaptation du marché du travail ont été particulièrement fortes. Les caractéristiques de cet ajustement s'expliquent par des emplois facilement ajustables. En effet, avant la crise, un tiers des emplois étaient des emplois d'intérimaires (contre deux fois moins en moyenne en Europe), autrement dit des emplois extrêmement précaires et très facilement supprimables, à fortiori avec l'évolution vers plus de flexibilité du marché du travail. Dès lors, entre le début de la crise et 2013, ce sont environ 2 millions d'emplois intérimaires qui ont disparu. Par conséquent, près de 80% de l'ajustement total de l'emploi a porté sur un tiers de la population (les intérimaires).
Au final, l'Espagne est devenue un espace où la production est très compétitive. En effet, la flexibilisation du marché du travail avec une variable d'ajustement conjoncturelle clairement identifiée (les populations les plus fragiles et les moins protégées par un statut : les intérimaires), combinée à une main-d'œuvre qualifiée et des salaires comprimés permet dorénavant d'attirer des investissements étrangers. A titre d'exemple, notons que l'entreprise Renault a préféré réaliser des investissements sur des sites espagnols au cours des dernières années plutôt qu'en France du fait, entre autres, du différentiel de compétitivité et de coût du travail entre les deux pays.
Deux signes supplémentaires viennent accréditer l'idée d'une reprise économique. Tout d'abord, après une chute continue de plusieurs années des prix de l'immobilier (environ -40% depuis 6 ans) il semble que le marché immobilier arrive vers la fin de sa période d'assainissement avec des prix qui commencent à se stabiliser. Toutefois, cette tendance demande à être confirmée dans le temps. Ensuite, les institutions européennes ont accordé un délai supplémentaire au pays pour atteindre son objectif de 3% du PIB de déficit de ses finances publiques. Dès lors, le relâchement (relatif) des contraintes budgétaires permet de moins brider la croissance. Néanmoins, là aussi il convient de relativiser cela car même si l'allégement de l'objectif budgétaire permettra effectivement de stimuler la croissance, il n'en demeure pas moins que la cible finale semble toujours inatteignable en raison de la récession et de l'ajustement des comptes des communautés autonomes espagnoles.
Des défis importants demeurent
Malgré l'amélioration de la situation globale du pays, plusieurs défis demeurent :
Conclusion
Malgré ces défis, le pays se trouve clairement sur une trajectoire positive. Dans ce cadre, la sortie de crise devrait se profiler dès 2014 au regard des performances en matière de croissance économique. En effet, après des croissances négatives jusqu'en 2013 (-1,3%), la croissance économique devrait redevenir positive en 2014 (+0,7%) avant de s'accélérer à partir de 2015 (+1,5%). Par conséquent, il est possible de dire que le retour de la croissance aura été atteint au prix d'un assainissement économique profond, et douloureux socialement. Cependant, ces efforts permettent dorénavant d'envisager un avenir plus favorable, fondé sur des bases plus saines.
Citation
Sylvain Fontan, “La reprise économique en Espagne”, analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 07/11/2013.