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Une flexisécurité à la française qui n'est pas à la hauteur des enjeux

3 juin 2013

Le gouvernement français a reçu en novembre 2012 le rapport dit "Gallois". L'idée principale de ce rapport consiste à souligner une idée connue depuis longtemps, à savoir : la France souffre d'un manque de compétitivité de son économie et la diminution du coût du travail participe à solutionner ce problème. Prenant en compte ce rapport, le gouvernement a initié des discussions entre les partenaires sociaux (organisations syndicales et patronales). Les discussions entre partenaires sociaux ont débouché sur la signature d'un accord sur la compétitivité et l'emploi en janvier 2013. Le gouvernement a ainsi voulu dessiner les contours d'une forme de "flexisécurité", autrement dit en développant une plus grande flexibilité des entreprises en échange de plus de sécurité pour les employés. Cependant, et même si l'intention initiale était louable, la mise en place effective n'aura probablement pas les effets annoncés et devrait même complexifier la situation sur plusieurs aspects.

Code du travail français - Le Dalloz

 

La dernière étude internationale portant sur le sujet de la compétitivité (voir définition) classe la France au 28ème rang mondial. Dans ce contexte, il est urgent de développer des outils capables de faire face à cette situation. L'accord sur la compétitivité et l'emploi dont l'objectif est d'améliorer la situation économique de la France contient 35 mesures. Il serait trop long de toutes les énumérer mais il convient d'en décrypter quatre qui sont emblématiques : du côté de la "sécurité" la généralisation des complémentaires santé et la taxation des contrats courts, et du côté de la "flexibilité" (voir définition) la modulation des rémunérations ou du temps de travail, et l'assouplissement des procédures de licenciements.

Les aspects de SECURITE favorisent les grandes entreprises et alourdissent le coût du travail

Généralisation des complémentaires santé. Cette mesure intervient dans un environnement où la majorité des salariés bénéficient déjà d'une complémentaire santé dans le cadre de leur travail. Les entreprises qui seront concernées seront principalement de très petites entreprises qui n'ont pas les moyens d'offrir cette sécurité à leurs employés. Or, ces petites entreprises sont également la plupart du temps, les plus fragiles et les plus sensibles à la hausse du coût du travail. L'obligation de proposer une complémentaire santé va augmenter les charges de ces entreprises d'environ 3 milliards d'euros par an, et sera donc contraire à  l'objectif d'amélioration de la compétitivité par la baisse du coût du travail.

Taxation majorée des contrats courts. L'idée est d'augmenter de 3% la cotisation assurance-chômage sur les CDD (Contrats à Durée Déterminée) afin d'inciter à recourir aux CDI (Contrats à Durée Indéterminée). Cependant, si l'idée parait bonne, la réalité des faits infirme cela. En effet, le recours massif aux CDD ne découle pas de la volonté délibérée des employeurs de proposer un statut précaire à leurs employés. Il résulte du fait que les entreprises manquent de visibilité quant à l'avenir de l'activité économique, et que le CDI est un contrat excessivement rigide qui empêche toute flexibilité. Là encore, ce sont les grandes entreprises qui seront favorisées au détriment des plus fragiles. En effet, les grandes entreprises peuvent supporter plus facilement que les petites, le risque inhérent à l'embauche d'un CDI à la place d'un CDD. Inversement, la petite entreprise préférera plutôt arbitrer en faveur de contrats intérims encore plus précarisant, ou alors devra supporter un coût supplémentaire lié à la majoration de la taxation. Dès lors, le coût du travail va augmenter car les entreprises ne peuvent pas se passer des CDD, et cette hausse de coût sera majoritairement supportée par les petites entreprises, fragilisant encore plus leur compétitivité et leur santé financière.

Les aspects de FLEXIBILITE sont très encadrés et au final limités

Modulation des rémunérations ou du temps de travail. Il est très important que les entreprises puissent adapter leurs activités et leurs coûts en fonction de l'activité économique afin de bénéficier au maximum des périodes de forte demande, et de pouvoir diminuer les coûts lorsque l'activité devient trop faible. Dès lors, la philosophie générale de de cette mesure va dans le bon sens. Néanmoins, ce principe général fait face à une limite fondamentale. En effet, l'accord signé stipule que cela est possible uniquement "en cas de graves difficultés conjoncturelles". Autrement dit, cela implique le fait que l'entreprise doit déjà être dans une situation critique pour mettre en place ces modulations salariales et de temps de travail. Il est probable que cela intervienne donc trop tard pour sauver une activité. De plus, la cadre est suffisamment floue pour que des personnes s'opposent à ces modulations arguant que la situation n'est pas suffisamment grave pour mettre en place ces différentes modulations.

Assouplissement des procédures de licenciement. Là aussi, le principe général va dans le sens d'une plus grande flexibilité nécessaire aux entreprises pour faire face aux aléas de la conjoncture. En effet, un employeur ne licencie pas un salarié par plaisir, mais car son appréciation de la situation à un moment donné l'amène à prendre cette décision. Il est évident que dans l'absolu un employeur préfère garder des employés, ce qui est le signe de la prospérité de son activité. Néanmoins, d'une part la procédure de licenciement, même assouplie, demeure très lourde au regard des procédures en places dans les autres pays du monde, et d'autre part, cette procédure assouplie ne peut intervenir que dans le cadre d'un licenciement économique. Dès lors, cette procédure ne peut être invoquée que quand la situation est déjà critique, alors qu'il est parfois nécessaire d'alléger la masse salariale d'une entreprise dans la perspective d'une évolution moins favorable ou d'une restructuration de l'activité.

Enfin, la signature de cet accord pose la question de la représentativité des syndicats signataires qui représentent moins de 3% des salariés français, mais qui prennent des engagements pour l'ensemble. Ensuite, lorsque le texte sera présenté aux parlementaires afin qu'ils le ratifient, il est probable que ces derniers veuillent l'amender. Les amendements qui seront proposés, et peut être votés, auront probablement tendance à complexifier l'architecture d'ensemble en créant des exceptions et en limitant les avancées dans le domaine de la flexibilité. En effet, la législation française aboutit généralement à freiner le dynamisme des entreprises.

Citation

Sylvain Fontan, “Une flexisécurité à la française qui n'est pas à la hauteur des enjeux"  décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 03/06/2013.