"Tout chômage quelconque a uniquement sa cause dans le fait que des changements dans les conditions de la demande ont lieu sans cesse, et que les résistances de frictions empêchent que l’ajustement des salaires appropriés ne s’effectue instantanément" - Arthur Cecil PIGOU
"En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal" - Nicolas MACHIAVEL
"Une démocratie peut se rétablir rapidement d'un désastre matériel ou économique, mais quand ses convictions morales faiblissent, il devient facile pour les démagogues et les charlatans de prêcher. Alors tyrannie et oppression passent à l'ordre du jour" - James William FULLBRIGH
"Les urgences ont toujours été le prétexte sur lequel les protections des libertés individuelles ont été érodé" - Friedrich HAYEK
"L'épargne et l'accumulation de biens de capitaux qui en résulte sont au début de chaque tentative d'améliorer les conditions matérielles de l'homme; c'est le fondement de la civilisation humaine" - Ludwig Von MISES
"Il n'y a que deux possibilités, soit un système dirigé par la discipline impersonnelle du marché, soit un autre dirigé par la volonté de quelques individus; et ceux qui s'acharnent à détruire le 1er contribuent, sciemment ou inconsciemment, à créer le 2nd" - Friedrich HAYEK
"On attire l'ennemi par la perspective d'un avantage ; on l'écarte par la crainte d'un dommage. " - SUN TZU
"Il serait un mauvais économiste celui qui ne serait qu’économiste" - Friedrich HAYEK
"Qui ne peut attaquer le raisonnement, attaque le raisonneur " - Paul VALERY
"Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France " - Maximilien DE BETHUNES, Duc de Sully
15 janvier 2015
Lors de son allocution officielle du 14 Janvier 2014, c'est en ces termes que le Président de la République française François Hollande s'est exprimé :
"Le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production.
Oui, je dis bien sa production. Il nous faut produire plus, il nous faut produire mieux.
C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. Sur l’offre !
Ce n’est pas contradictoire avec la demande. L’offre crée même la demande."
Même si les actes tardent objectivement à suivre les paroles, cette évolution dans le discours traduit néanmoins un changement qui n'est pas neutre, à fortiori dans la bouche d'un Président dont le corpus idéologique traditionnel prôné depuis des décennies par le parti politique dont il est issu est très éloigné de cette vision de l'économie.
En effet, pour le profane, ces quelques mots peuvent paraître anodins, ou alors sans grand intérêt, voire même frappés du bon sens. Or, pour celui qui a une culture économique, politique et historique, cette citation est en vérité un tournant idéologique majeur. En effet, la France est un pays dont les structures économiques, politiques et sociales sont profondément marquées par les théories économiques keynésiennes (en référence à l'auteur britannique John Maynard Keynes) selon lesquelles en substance la stimulation de la Demande (la consommation) permet d'accroître les richesses produites et le bien-être collectif. Inversement, la politique de l'Offre est d'inspiration libérale et vise à stimuler au préalable la production. En d'autres termes, et pour faire très simple, la politique de la Demande distribue des richesses en s'endettant en espérant que la consommation générée permettra d'enclencher un cercle vertueux de création de richesses; alors qu'inversement la politique de l'Offre préconise qu'il est nécessaire de produire des richesses dans un premier temps avant d'envisager de distribuer, sous-entendant ainsi que les entreprises sont à la source de la création de richesses.
Au-delà de l'aspect purement sémantique, les implications d'un tel changement de paradigme sont nombreuses et il convient de s'interroger sur ce que recouvre réellement la politique de l'offre un an après l'allocution présidentielle.
La théorie de l'économie de l'Offre conteste le bien-fondé des politiques keynésiennes traditionnelles de relance par le déficit budgétaire. De plus, l'économie de l'offre remet en cause l'Etat Providence dont l'inconvénient est de "casser" (ou de freiner) les ressorts de la prospérité économique. Ainsi, l'économie de l'offre consiste en substance à stimuler la croissance économique en libérant l'Offre (la production).
Les quatre propositions de l'économie de l'Offre
1) L'offre de facteur de production est plus élastique que ne le pense la théorie keynésienne. En d'autres termes, le côté à privilégier est l'offre (la production) et c'est la demande (la consommation) qui doit être considérée comme une conséquence de l'offre, et non son moteur : en libérant l'offre, la demande sera stimulée, et non l'inverse. En outre, il est possible d'agir davantage sur le facteur "offre" que ce qui est généralement considéré car les effets positifs induits d'une libération de l'offre sont supérieurs à ceux liés à un accroissement de la demande via une hausse des dépenses publiques.
2) Il existe des mécanismes fiscaux qui sont plus ou moins favorables à la prospérité économique d'un pays. Dans ce cadre, la "préoccupation fiscale" consiste à diminuer les taux d'imposition jusqu'à un seuil efficient permettant à une économie de créer plus de richesses qu'avec un taux trop élevé :
3) L'économie de l'offre défend l'idée selon laquelle "trop d'impôt tuent l'impôt". Dans une autre version plus ancienne, cette idée donne "Les hauts taux tuent les totaux". L'économie de l'offre associe ici un taux d'imposition à un niveau de recettes fiscales. Quand la pression fiscale est excessive, elle détruit "l'assiette fiscale" (c'est-à-dire la base sur laquelle va être calculé l'impôt). Autrement dit, des activités autrefois rentables disparaissent car la fiscalité et la réglementation excessives ne permettent plus la survie économique de ces activités ou le gain retiré devient trop faible. Dès lors, malgré une fiscalité globale plus élevée, les rentrées fiscales diminuent car les agents sur lesquels ponctionner cette fiscalité sont moins nombreux, d'où l'aphorisme "trop d'impôt tue l'impôt". Trivialement, il est possible de réduire cette idée comme ceci : "à trop vouloir traire la vache, la vache meurt". Jusqu'à un certain niveau, le montant du produit de l'impôt augmente, mais au-delà, ce montant diminue mécaniquement.
L'auteur le plus connu ayant souligné cette idée est l'économiste Arthur LAFFER, avec ce qu'il convient d'appeler "La courbe de Laffer" qui prend la forme d'une cloche inversée dans un graphique à deux axes avec en abscisse (ligne horizontale) le taux d'imposition, et en ordonnée (ligne verticale) les recettes fiscales. Dans ce cadre, un taux d'imposition de 100% se traduit par des recettes fiscales égales à zéro ; idem pour un taux d'imposition de 0% qui se traduit nécessairement lui aussi par des recettes fiscales nulles. Il existe donc entre ces deux niveaux extrêmes un niveau optimal qui permet d'optimiser les recettes fiscales sans freiner la croissance économique. Ainsi, lorsque les impôts sont trop élevés, en réduisant les taux d'imposition, les recettes fiscales s'en trouvent augmentées. Enfin, et par construction intellectuelle, un taux bas et un taux élevé entraînent la même recette fiscale. Il est donc préférable de choisir le taux le plus bas car cela stimulera davantage la croissance économique. Au final, la première chose à déterminer est ce taux d'imposition optimal et savoir s'il est atteint ou non.
4) L'imposition modifie deux types de prix relatifs : (1) l'arbitrage travail/loisir et (2) l'arbitrage consommation/épargne.
Chaque individu a le choix entre le loisir et l'amélioration de son capital humain. La notion de "loisir" doit ici se comprendre comme toute activité autre que celle liée au "travail" qui renvoie quant à lui au fait d'effectuer une activité rémunérée. Lorsqu'un individu choisit le loisir, il renonce à deux types de revenus liés aux (1) heures supplémentaires ou (2) à une augmentation future de salaire permise par une meilleure qualification. Le sacrifice supporté dépend du "taux marginal d'imposition". Autrement dit, quand le taux d'imposition augmente, cela diminue le revenu disponible tiré du travail et cela rend parallèlement le loisir plus intéressant que le travail. Par conséquent, si le taux d'imposition augmente, cela diminue le coût relatif du loisir et donc l'individu à tendance à substituer du loisir au travail
Chaque individu a le choix de consommer aujourd'hui ou d'épargner pour consommer demain. L'arbitrage dépend alors des revenus supplémentaires tirés de l'épargne, et ces revenus dépendent eux-mêmes du taux d'imposition. En d'autres termes, plus l'impôt sur le revenu de l'épargne sera élevé, plus le sacrifice en revenu futur d'une consommation immédiate sera considérable ; et donc plus le flux de revenu futur tiré de l'épargne sera faible. Par conséquent, le ménage est incité à consommer plutôt qu'à épargner quand le taux d'imposition est trop élevé. Mécaniquement, cela accroît alors la préférence pour le présent, se traduisant par une augmentation du taux d'intérêt.
Lien entre fiscalité, travail et consommation dans l'économie de l'offre
Concernant la fiscalité et le travail, la pression fiscale exerce des effets pervers en matière de comportement de travail :
Concernant la fiscalité et l'épargne, la relation entre les deux vient diminuer le potentiel d'investissement d'un pays alors même que cet élément est clef dans sa capacité à engendrer de la croissance économique. En effet, un système d'impôt progressif taxe plus lourdement les niveaux de revenus les plus élevés, c'est-à-dire ceux qui épargnent le plus. Dès lors, plus la fiscalité est progressive, plus l'individu est incité à consommer immédiatement ou non pas à épargner. Au final, cette mécanique entraîne une diminution du niveau d'épargne et rend ainsi plus difficile l'investissement qui a besoin d'épargne au préalable pour se financer.
Au final, l'effet de la fiscalité excessive est désincitatif pour le travail et pour l'épargne, et in fine diminue le potentiel de croissance d'une économie, et donc sa capacité à générer de l'emploi marchand et des revenus pour la population. Notons cependant que dans les pays où le secteur public est protégé et repose sur des rentes d'activités sans concurrence et sans objectif d'efficacité, les populations évoluant dans la sphère publique ne supportent pas ce coût économique car leur statut et leur fonctionnement est financé par ponctions sur la sphère privé directement (fiscalité) ou indirectement (endettement public qui est une fiscalité différée sur les jeunes ou futures générations) (cf. "illusion fiscale").
Les fondements libéraux de l'économie de l'offre
L'objectif attendu de la politique de l'offre est le changement des comportements des agents économiques :
Dans ce raisonnement, la production précède les revenus et la demande, alors que dans la vision keynésienne traditionnelle qui prévaut en France depuis de nombreuses décennies, c'est la demande qui crée les revenus et qui précède la production. Dès lors, pour stimuler l'offre et donc l'investissement capable de produire des richesses, il convient d'une part de diminuer la fiscalité et, d'autre part, d'éliminer (ou en tout cas d'amoindrir) toutes les réglementations et les rigidités qui de surcroît ont tendance à générer un accroissement du nombre des structures étatiques et des fonctionnaires inefficaces.
La politique budgétaire de l'Etat n'a pas le pouvoir de freiner ou de stimuler l'activité économique, car un déficit ne fait en réalité que remplacer une demande privée à court terme. L'important c'est de faire en sorte qu'à long terme l'économie s'autorégule; ce qui est profondément différent de la vision de Keynes qui disait que "à long terme nous serons tous morts", signalant ainsi que pour lui la seule chose qui importe c'est le court terme au détriment des impacts possibles au-delà de cet horizon temporel. Dès lors, pour lui, les conséquences de long terme des décisions de court terme ne regardent pas les générations actuelles mais concernent les générations futures qui hériteront de la situation engendrée.
Au final, l'économie de l'offre fait référence à la "Loi des débouchés" de l'économiste Jean Baptiste SAY selon laquelle "l'offre crée sa propre demande".
Toutes ces formulations peuvent apparaître comme extrémistes mais ce n'est pas un hasard car seuls des propositions radicales peuvent profondément changer le comportement des agents économiques. Par conséquent, cette politique de l'offre ne peut réussir que si l'exécutif qui s'assigne cet objectif le fait au nom de l'intérêt général et peut aller au-delà des intérêts particuliers, et notamment de ceux liés au secteur public. Par conséquent, toute la question est celle de la crédibilité du gouvernement en place, en d'autres termes si ce dernier dépasse les discours et passe aux actes.
Citation
Sylvain Fontan, « Comprendre la politique économique dite de "l'offre" », analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 19/03/2014.