"Tous les hommes politiques appliquent sans le savoir les recommandations d’économistes souvent morts depuis longtemps et dont ils ignorent le nom " - John Maynard KEYNES
"La liberté n’est pas l’absence d’engagement, mais la capacité de choisir" - Paulo CUELHO
"On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une classe. La bourgeoisie est tout simplement la portion contentée du peuple" - Victor HUGO
"La productivité est la mesure du progrès technique" - Jean FOURASTIE
"Le plein-emploi ou même une situation voisine du plein-emploi est rare autant qu’éphémère" - John Maynard KEYNES
"Vous ne pouvez pas taxer les gens quand ils gagnent de l'argent, quand ils en dépensent, et quand ils épargnent" - Maurice ALLAIS
"Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice." - MONTESQUIEU
"Le rituel de l’échange est le rituel majeur de la neutralisation de la violence " - Jacques ATTALI
"La machine a jusqu’ici créé, directement ou indirectement, beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en a supprimés" - Alfred SAUVY
"Tout l’art du bon gouvernement consiste à plumer l’oie de façon à obtenir le maximum de plumes avec le minimum de cris" - Jean-Baptiste COLBERT
8 mai 2014
A l'occasion de la mort de l'économiste Gary Becker, il convient de revenir sur l'oeuvre de ce dernier. Né en 1930 aux Etats-Unis et décédé le 3 mai 2014, Gary Stanley Becker est un économiste américain néoclassique de l'école libérale de Chicago. Ses travaux les plus connus, pour lesquels il reçoit le prix Nobel d'économie en 1992, portent sur l'élargissement de l'analyse économique à de nouveaux domaines concernant les comportements humains et les relations humaines. Il donne ainsi naissance à la théorie du capital humain. La notion de capital humain désigne l'ensemble des dispositions durables dont l'acquisition et la possession rendent les personnes plus productives dans leurs diverses activités. Ces dispositions s'entendent comme des capacités ou des aptitudes, dont une partie est innée, et l'autre acquise au prix d'investissements humains qui mobilisent volontairement des dépenses et des efforts personnels (savoir, savoir-faire, expérience, motivation, santé, etc.). La notion de capital humain permet notamment de remplir des lacunes dans les théories de la croissance économique, de la répartition des revenus ou du commerce international.
La théorie du capital humain
Becker développe sa théorie du capital humain dans son ouvrage de référence publié en 1964 (première édition), intitulé "Human Capital : A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education". De façon synthétique, la théorie du capital humain tend à expliquer la hiérarchie des salaires par les différences de capital humain qu'offrent les salariés, c'est-à-dire par les différences de leurs aptitudes innées et acquises.
Se basant sur le monde de l'éducation, le raisonnement de base est le suivant : un élève qui décide de poursuivre ses études, ou un employé qui s'engage dans un stage de formation, consentent tous deux à des dépenses et des sacrifices pendant la durée de leur formation, en vue d'obtenir des avantages futurs. Une partie de ces avantages renvoie à l'accroissement attendue de la rémunération durant la vie active. A ce titre, la formation (même gratuite) représente un investissement économique. En effet, il constitue un coût dit "d'opportunité" car le temps consacré à la formation du capital humain se traduit d'une part, par des frais divers, et d'autre part, par un revenu sacrifié pendant la durée de la formation.
La théorie du capital humain renvoie donc à un arbitrage effectué par les individus. L'arbitrage porte entre le présent et le futur dans le sens qu'une personne peut préférer (ou être "contrainte" à) un revenu immédiat à un gain espéré supérieur futur. De façon sous-jacente, l'hypothèse est qu'une personne dont le capital humain est élevé peut raisonnablement espérer bénéficier d'un revenu supérieur à l'individu dont l'investissement a été moindre.
Le capital humain se distingue du capital physique ou financier car il s'incorpore à une personne. Autrement dit, l'employeur ne bénéficie de cet investissement uniquement dans la mesure où le salarié formé continue à travailler pour lui. En effet, à la différence du système d'esclavage où le travailleur est géré par l'employeur comme un autre équipement, le travailleur dans une société libre est propriétaire de son capital humain. Dès lors, le travailleur est mobile et cette mobilité peut engendrer un coût plus ou moins élevé pour l'employeur. Dans ce cadre, un employeur pourra dispenser une formation à son employé dans l'espoir que celui-ci puisse ensuite s'en servir dans le cadre de son travail afin d'améliorer sa productivité (quantité de travail nécessaire à la production d'une unité).
Etant donné que le travailleur est mobile, et donc susceptible d'aller se faire employer ailleurs, le partage du coût lié à l'amélioration du capital humain de l'employé dépend de différents facteurs. De façon schématique, si la formation est spécifique (ne pouvant servir qu'au travail de l'employeur présent), alors le coût de la formation pourra être pris en totalité par l'employeur. En revanche, si la formation est générale (transférable à toute entreprise sans déperdition de savoir), alors le coût de la formation sera laissé à la charge de l'employé qui pourra ensuite faire valoir sa qualification supplémentaire sous forme de salaire auprès de son employeur, actuel ou futur.
Les particularités du capital humain font que les théories concernant le capital évoluent. Plusieurs points sont impactés mais quatre le sont particulièrement :
1) Comme les apports de l'investissement éducatif décroissent avec l'âge, la logique économique veut que les individus se consacrent pleinement aux études au début de la vie.
2) La variation du salaire en fonction de l'âge reflète le cycle d'accumulation du capital humain. Autrement dit, le salaire augmente quand l'investissement en capital humain est positif, et il diminue dans le cas inverse. Or, l'investissement tend à diminuer avec l'âge. De plus, la dépréciation du capital humain à tendance à s'accélérer au-delà d'un certain âge. Tous ces éléments font que malgré l'expérience acquise, les salaires généralement proposés aux travailleurs âgés sont trop élevés par rapport à leur investissement humain et leur productivité.
3) La spécificité du capital humain fait que ses atouts sont aussi ses faiblesses. En effet, le capital humain est par nature personnel et donc il ne peut pas être approprié par autrui (sauf esclavage). Dès lors, l'individu est fortement incité à investir dans son capital humain. En revanche, l'inconvénient de cette spécificité est que le prêteur qui va financer cet investissement ne peut pas s'assurer de la "solvabilité" (certitude que l'investissement débouchera sur un gain futur) de l'emprunteur, constituant ainsi un obstacle à l'octroi de crédit dans ce sens. Dès lors, le marché du crédit destiné au financement du capital humain est moins parfait que celui destiné à financer du capital non humain (machines etc). Dans ce cadre, les enfants des catégories modestes sont plus touchés que les autres par le rationnement du crédit à l'éducation car ils ne peuvent pas (ou peu) compter sur l'aide financière de leurs parents.
4) L'incorporation du capital humain dans une personne est limités et tributaire des capacités physiques et intellectuelles de l'individu. De plus, le rendement marginal, autrement dit le gain lié à chaque effort supplémentaire, diminue au fur et à mesure que l'effort augmente. Au-delà d'une certaine limite, l'acquisition supplémentaire de capital humain n'est plus possible. Ainsi, alors que le capitaliste industriel ou financier peut accroître sa fortune de façon presque illimitée, l'homme cultivé ne le peut pas.
Eléments de perspective
La théorie du capital humain permet d'expliquer un certain nombre de phénomènes jusque-là inexpliqués ou occultés par la théorie du capital :
Citation
Sylvain Fontan, “L'économiste de la semaine : Gary S. BECKER”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 29/07/2013.