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Tuer la circulation c'est tuer les villes

27 août 2019

La géopolitique étudie toutes les échelles, son analyse porte donc aussi bien sur le global (les relations internationales), que le local (les villes et les territoires locaux). C’est cette gestion urbaine qui semble partie depuis quelque temps dans un délire constructiviste sans fin. Le mot d’ordre est connu : taxons, taxons, et quand ça ne bouge plus, subventionnons. L’exemple de Paris est éloquent, malheureusement suivi par de nombreuses villes de province. Par Jean-Baptiste Noé.

 

Paris a un ennemi : non les rats, la délinquance ou le terrorisme, mais la voiture. Depuis l’ère Delanoë l’automobiliste est sans cesse ponctionné au motif fallacieux qu’il pollue. Fallacieux, car la consommation des voitures n’a cessé de diminuer au cours de ces trente dernières années, et parce que l’essentiel de la pollution ne provient pas de Paris, mais d’ailleurs et s’arrête en région parisienne, l’Île-de-France étant une cuvette. Peugeot a ainsi mis sur le marché une 208 HDi dont la consommation est de 3 L/100. Évidemment, plus il y a de bouchons plus les voitures consomment, ce qui contredit la politique actuelle cherchant à congestionner la capitale afin de purifier l’air. La question des transports urbains n’est pas d’empêcher les personnes d’utiliser leur voiture, mais d’arriver à une situation où l’usage de la voiture ne sera plus une obligation, non par la contrainte, mais par l’évolution des modes de vie. Si les automobilistes se déplacent, c’est qu’ils doivent se rendre de leur domicile à leur lieu de travail. Cela a des conséquences spatiales et géographiques fortes : créations de zones aménagées et différenciées (espaces de travail, espaces d’habitation), création de lignes de train et de gares, d’autoroutes, de zones commerciales. Si l’on veut limiter les déplacements, il faut faire en sorte de rapprocher le plus possible le lieu d’habitation du lieu de travail. Pour cela il y a deux possibilités : soit on habite à côté de son lieu de travail, soit on travaille chez soi.

Le logement social accroît les prix de l’immobilier

L’actuelle politique de logement social est absurde. La loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) impose 25% de logements sociaux dans toutes les communes, indépendamment de leurs besoins. Il y a ainsi des villes qui ont des logements vides (Vichy par exemple) et d’autres qui ne peuvent pas construire de logements parce qu’il n’y a plus d’espaces libres pour cela (les villes de la petite couronne parisienne par exemple). L’État impose aux communes de construire soit en densifiant le bâtit en transformant en immeubles des zones pavillonnaires, soit en détruisant les espaces naturels (forêts, champs) pour y construire des logements. Si les communes refusent cette politique, l’État leur impose de lourdes amendes et le préfet peut préempter des terrains pour les bâtir, même contre l’avis des mairies. La politique du logement est décidée d’en haut et répond à des normes administratives, non aux besoins réels des territoires.

Le logement social surenchérit le prix du logement ce qui fait que les couples modestes ne peuvent plus louer ou acheter un logement dans le centre de Paris et doivent donc partir plus loin ; et donc se déplacer davantage. La politique de logement à Paris a consisté à évincer les classes moyennes, qui étaient susceptibles de ne pas voter pour la mairie en place, en provoquant une hausse de l’immobilier. C’est réussi, mais cela déséquilibre la géographie de l’Île-de-France.

Autre conséquence du logement imposé, la disparition des commerces. Le commerce est le reflet de la population locale. En modifiant arbitrairement la population locale par une politique dirigiste de logements sociaux on modifie l’équilibre économique des quartiers et donc l’équilibre des commerces. S’il y a moins de monde pour aller aux restaurants ou dans des commerces de qualité, ceux-ci ferment. Cela me rappelle l’anecdote racontée par un maire qui avait vu ses commerces de centre-ville disparaître alors même qu’il avait fait bâtir de nombreux HLM dans le centre-ville. Normalement, les commerces auraient dû avoir plus de clients puisqu’il y avait plus d’habitants. Mais cette nouvelle population, moins aisée, faisait ses courses dans les centres commerciaux de la périphérie de la ville, non dans les commerces de proximité, aux tarifs plus élevés. Privés de clients, les commerces ont donc fermé. Le maire a ensuite cherché un moyen de subventionner les commerces de centre-ville pour les maintenir en vie. Il a trouvé ce moyen en interdisant la création d’une moyenne surface à proximité du centre-ville, pensant que cela allait concurrencer les petits commerces. La moyenne surface ne s’est pas installée, mais les commerces ont quand même disparu. Ce maire a découvert l’effet d’éviction.

 

Tuer la ville en empêchant les circulations

En dressant un mur pour empêcher les banlieusards de venir à Paris, l’équipe municipale au pouvoir est en train de tuer la ville. Les entreprises quittent Paris et s’installent de l’autre côté du mur, c’est-à-dire en proche couronne. Trois événements récents témoignent de ce phénomène. Le Parti socialiste a vendu son siège rue de Solférino et a quitté Paris pour s’installer à Ivry-sur-Seine. La région Île-de-France est elle aussi en train de déménager, quittant le 7e arrondissement pour aller à Saint-Ouen. Enfin, la station RTL a quitté la rue Bayard pour aller avenue du Général de Gaulle à Neuilly. Symptomatiques, ces déménagements sont aussi symboliques : ce sont les fonctions politiques et culturelles qui quittent Paris. Or ces fonctions fondent la raison d’être d’une capitale. Il aurait été inenvisageable il y a vingt ans que des fonctions politiques et de communication s’installent ailleurs qu’à Paris. La cherté des prix et des commerces fait fuir même les fonctions de puissance. À cela s’ajoute la grande difficulté de venir jusqu’au centre de Paris. Les entreprises ont donc intérêt à aller ailleurs. En partant, ces entreprises prennent avec elles leurs salariés, qui ne pourront donc plus consommer dans le quartier. Il est vrai que le plat du jour du bar de la rue Molière d’Ivry est nettement inférieur à celui du restaurant de la rue de Lille. C’est donc tout l’écosystème local qui va être détruit : fermeture des bars, des restaurants, des boutiques. La rue Bayard est aujourd’hui bien triste et je ne donne pas cher de la survie des deux brasseries installées en face des anciens bâtiments de RTL.

Mettez du communisme, le capitalisme se venge. Les édiles de la mairie de Paris vont découvrir ce qu’il en coute de bloquer les communications et d’empêcher les échanges. Alors qu’en laissant faire le marché, les entreprises seraient restées à Paris, le logement serait moins cher, et donc les personnes modestes et les classes moyennes pourraient s’y loger. Installer un péage urbain pour taxer davantage encore les automobilistes est la meilleure façon de tuer encore plus Paris et d’assurer le développement des communes limitrophes. Il sera ensuite bien difficile de les faire revenir dans la capitale.

 

La fin du quartier latin

Un autre exemple est donné par le Quartier latin, qui est lui aussi devenu bien triste. Après avoir longtemps été un Nike store, l’ancienne librairie des PUF, située place de la Sorbonne, est aujourd’hui un restaurant de nouvelle cuisine. La fermeture de cette librairie en 2006 avait marqué la fin de l’ambiance intellectuelle du quartier. Toutes les écoles sont parties. L’Essec, autrefois dans le bâtiment de la Catho est aujourd’hui à Cergy. HEC est à Jouy-en-Josas, les écoles d’ingénieur sont regroupées sur le plateau de Saclay. Il ne reste que la Sorbonne et quelques écoles indépendantes. Les commerces ont suivi : aux boutiques pour étudiants ont succédé les boutiques pour touristes. Il ne reste guère que la librairie Compagnie et la librairie Vrin pour apporter encore un peu de tenue intellectuelle dans le quartier. Et bien sûr le paquebot Gibert, mais pour combien de temps ?

 

Favoriser le travail à domicile

Le travail dans des usines et dans des bureaux est une invention récente. Cela a commencé au milieu du XIXsiècle avec la concentration industrielle. Autrefois, on travaillait chez soi, soit à la ferme, soit dans son atelier qui était généralement situé au rez-de-chaussée de sa maison. Les moyens technologiques d’aujourd’hui permettent d’effectuer de nombreuses tâches à domicile et donc de réduire les déplacements voire de les rendre inutiles. Internet, le cloud, l’informatique et l’inventivité de l’ingénierie ont plus fait pour limiter les déplacements que toutes les mesures coercitives. C’est ce type de technologie qu’il faut développer, non la verbalisation par vidéosurveillance, les radars cachés et les routes supprimées. Si ce sont des préoccupations écologiques qui sont mises en avant, bien souvent la finalité est purement financière. Il s’agit de faire rentrer plus de taxes pour nourrir un État providence surendetté. Les radars sont les nouveaux octrois.

Plusieurs expériences ont été faites à l’étranger sur la mise en place de routes nues, c’est-à-dire de routes sans feux, sans panneaux, sans limitation de vitesse et bien sûr sans radar. Le cas le plus célèbre est la ville de Bohme, en Allemagne. Partout où cette politique urbaine a été mise en place, la mortalité a baissé. Les automobilistes sont ainsi responsabilisés et ils se doivent de faire attention à l’environnement, plutôt que de capter les panneaux et d’appliquer les consignes. C’est contre-intuitif, car on pense généralement qu’en supprimant la signalétique les automobilistes vont faire n’importe quoi et provoquer des accidents. C’est l’inverse qui se passe. Sur la route aussi, l’ordre spontané est plus efficace que la réglementation à outrance.

 

Le client tue le petit commerce

Pour l’aménagement des villes, mieux vaut permettre à la science de trouver des solutions (comme la baisse de la consommation des voitures) et aux populations de s’adapter à leur environnement, plutôt que de chercher à tout contrôler, à taxer puis à subventionner. Si les petits commerces meurent, ce n’est pas à cause des grandes surfaces. C’est parce que leurs prix sont trop élevés et parce que faire ses courses en grande surface est beaucoup plus pratique, pour se garer et pour remplir son caddie. Il est toujours amusant de voire des mairies interdire le stationnement en centre-ville, pénaliser la circulation des voitures par des radars, des voies à contresens pour les vélos et des rues piétonnes, et ensuite se lamenter de la fermeture des commerces de proximité parce que les populations évincées se rendent dans les grandes surfaces périphériques, beaucoup plus accessibles. Il ne reste donc plus qu’à taxer et à prendre des lois pour interdire l’ouverture de ces centres commerciaux. Là-dessus, n’ayons crainte : l’inventivité fiscale est toujours grande.