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2 octobre 2013
En 2001, l'Argentine fait face à une dette insoutenable qui entraîne sa faillite. Afin de récupérer une partie de leur argent, la majorité des créanciers internationaux acceptent de restructurer la dette argentine. Toutefois, une minorité de créanciers ("fonds vautours") ont refusé cette proposition et des procédures légales ont été entamées afin que l'Argentine honore sa signature. Fin Août 2013, l'Argentine a été condamnée à rembourser ces fonds dits "vautours" mais le pays s'y refuse pour le moment. Un tel remboursement créerait un précédent qui pourrait potentiellement fragiliser l'Argentine, et plus largement qui remettrait en cause le principe même des renégociations de dette au niveau mondial.
Origine du litige et condamnation de l'Argentine
En 2001, l'Argentine se retrouve confrontée à une faillite historique. En effet, le pays ne peut plus faire face à ses engagements extérieurs (remboursement de la dette et des intérêts) et se déclare en situation de faillite auprès de ses créanciers pour un montant total avoisinant les 100 milliards de dollars. La banqueroute entraîne une très profonde crise économique, monétaire, sociale et politique dans le pays dont certaines séquelles perdurent encore de nos jours.
Suite à cette faillite, l'Argentine trouve un accord avec la majorité de ses créanciers. En effet, 93% des créanciers acceptent volontairement de restructurer une partie de la dette argentine en deux étapes : 2005 et 2010. Concrètement, ces créanciers acceptent une décote (perte de valeur) de 70% en échange de l'engagement que les 30% restants leurs soient effectivement remboursés.
Une minorité de créanciers internationaux refusent la proposition de restructuration de la dette. En effet, une partie des détenteurs de la dette argentine, surnommés les "fonds vautours", exigent le remboursement total de la dette, ainsi que des intérêts liés. Un fonds dit "vautours" correspond à un fond d'investissement spéculatif ("hedge fund") qui rachète la dette d'entreprises et de pays en difficultés, souvent à prix cassés, afin d'espérer réaliser une plus-value significative à plus ou moins long terme.
Afin d'obtenir gain de cause, ces fonds vautours engagent des démarches légales. Fin Août 2013, la cours d'appel de New-York aux Etats-Unis condamne l'Argentine à rembourser aux deux principaux fonds vautours (NML Capital et Aurelius Capital Management) près de 1,5 milliards de dollars, soit environ un milliard d'euros. La raison invoquée par la juridiction américaine est que les procédures mises en place jusque-là créent des discriminations dans le traitement des créanciers. Pratiquement, cela implique le fait que l'Argentine doive rembourser ces deux fonds avant de pouvoir rembourser tout autre créancier. L'alternative est d'arrêter de rembourser l'ensemble des créanciers mais cela reviendrait à acter un nouveau défaut avec les implications que cela comporte.
Implications
L'Argentine refuse le jugement émis par la cours d'appel de New-York. Le pays envisage une parade pour contrecarrer la décision américaine. En effet, le pays pourrait proposer aux créanciers obligataires du pays (qui détiennent de la dette argentine) un échange de leurs titres contre des bons de même valeur mais qui seront payés en Argentine (et pas à New-York) afin d'éviter un risque de saisie. Dès lors, cela reviendrait à convertir les obligations des créanciers en droit local, et ne plus les libeller en droit américain, britannique ou japonais comme c'est actuellement le cas.
Une telle mesure présente des avantages mais également des risques. En effet, cela permettrait à l'Argentine de continuer à honorer ses engagements vis-à-vis des créditeurs qui ont accepté la restructuration de sa dette (décote de 70%). Toutefois, cette mesure est risquée car elle implique le fait que les créanciers acceptent d'ouvrir un compte en Argentine et se soumettent aux aléas de la politique locale et au contrôle des changes. Ainsi, l'avantage pour les créanciers n'est pas évident alors que les risques sont certains. Dans ce cadre, cette mesure semble encore aventureuse.
Potentiellement, l'Argentine a les moyens de rembourser ces deux fonds vautours. En effet, la hausse des cours des matières premières agricoles, énergétiques et minérales durant les années 2000, et dont le pays est largement doté, a permis à l'Argentine d'accumuler d'importants excédents extérieurs. Le pays a ainsi pu rembourser régulièrement ses créanciers. Dès lors, ce n'est pas en soi la somme de 1,5 milliards de dollars qui pose problème à l'Argentine.
Le remboursement intégral des fonds vautours pourrait entraîner la même demande de la part de l'ensemble des créanciers. En effet, c'est cet aspect qui pose réellement problème. Si l'Argentine rembourse de ces deux fonds, alors les autres fonds qui avaient précédemment accepté la décote pourraient légitimement réclamer le remboursement de la partie qu'ils avaient acceptée de perdre. Une telle demande ne se traduirait plus par un montant de 1,5 milliards de dollars, mais par un montant supérieur à 40 milliards de dollars.
Dans ce cadre, l'Argentine serait contrainte se retourner sur les marchés financiers pour se financer. Le pays s'était retiré de ces marchés financiers depuis 2001. Or, étant donné le passif de défaut du pays, et compte tenu des mesures protectionnistes mises en place par le pays qui ne créent pas un environnement favorable aux investisseurs, le taux auquel le pays pourrait envisager pouvoir se financer serait très probablement supérieur à 10%. Parallèlement, depuis l'éclatement de la crise globale et la contraction du commerce international et de la demande émanant des pays riches, les conditions qui avaient permis au pays de sortir de sa situation économique catastrophique ne sont plus réunies. En effet, après un taux de croissance à +9,2% en 2010, le taux de croissance économique du pays à ralenti à +1,9% en 2012. Dès lors, le spectre d'un nouvel épisode de crise de la dette argentine serait envisageable.
Elément global
Plus largement que l'Argentine, les enjeux sont mondiaux. Si d'aventure l'Argentine devait rembourser les fonds vautours, c'est le principe même des plans de restructuration des dettes passées et futures qui serait remis en cause. En effet, les créanciers seraient encore plus réticents à consentir à des restructurations, les pays qui pourraient en bénéficier pourraient craindre un éventuel "retour de bâton" par la suite et le retour à un environnement de marché "normal" serait plus difficile. Enfin, les dettes déjà restructurées ailleurs dans le monde pourraient elles aussi être remises en question. Même si le cadre juridique de la dette grecque paraît plus protégé que le cas argentin, c'est typiquement ce genre de sauvetages financiers qui pourraient ne plus être possibles.
Citation
Sylvain Fontan, “Le remboursement de la dette Argentine aux "fonds vautours"”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 02/10/2013.