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Etat des lieux dans la Zone Euro

4 décembre 2013

Il y a un mois, la Commission Européenne présentait son analyse sur la situation actuelle et à venir des pays de la Zone Euro. Il en ressort un certain nombre d'éléments qui soulignent in fine une reprise économique qui est appelée à se confirmer mais dans une ampleur et un rythme moins prononcés qu'escomptés, ainsi que des éléments de fragilités grandissants sur les prix et des disparités entre les pays.

Commission Européenne

Croissance et emploi

La croissance économique devrait revenir lentement mais sûrement. La Commission Européenne (CE) prévoit désormais une croissance économique de +1,1% en 2014 pour les pays de la Zone Euro, et +1,7% en 2015. La tendance est clairement positive mais elle reste encore inférieurs aux chiffres observés avant le déclenchement de la crise globale (environ 2%), mais également en-deçà des prévisions aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. De plus, même si ces chiffres sont indéniablement positifs, ils demeurent inférieurs à ce qu'il était possible d'anticiper juste après l'été 2013.

Dans ce cadre, il n'est pas envisageable que la dynamique du chômage s'inverse en 2014. En effet, le chômage au sein de la Zone Euro devrait continuer à augmenter jusqu'à 12,2% de la population active en 2014. Les projections de croissance économique permettent néanmoins d'anticiper une légère inflexion à partir de 2015, qui pourrait permettre à ce taux de passer sous la barre des 12% avec 11,8% de la population active au chômage à la fin 2015.

Evolution des prix

Les prix continuent à augmenter, mais de plus en plus lentement. En effet, alors que l'objectif d'inflation au sein de la Zone Euro est de 2%, l'évolution constatée des prix s'éloigne progressivement de cette cible avec probablement seulement 1,4% d'inflation en 2013. La tendance est d'autant plus confirmée que les chiffres pour le troisième trimestre 2013 soulignent une inflation à 0,7%, confirmant ainsi la tendance à la désinflation, autrement dit le ralentissement de la hausse des prix. La même tendance au ralentissement des prix est observée avec l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire en substance l'inflation qui exclue les prix des matières premières, des produits énergétiques et alimentaires.

La désinflation trouve son origine dans la faible demande interne. Au sein de la zone euro, la faible activité économique traduit une demande interne (consommation et investissement) relativement atone. Dès lors, les pays ajustent les salaires à la baisse pour essayer que les entreprises retrouvent des marges (ou en tout cas pour tenter de les maintenir), accentuant ainsi la dynamique de pression à la baisse sur les prix. Actuellement, des pays comme l'Espagne ont une inflation proche de zéro alors que la Grèce connait même une diminution des prix.

Risque de déflation

Dans ce cadre, le risque de déflation sans être probable n'est pas nul. En effet, si la tendance se confirme, alors la déflation, c'est-à-dire la baisse du niveau général des prix, deviendra un scénario plausible à moyen terme. Or, le mécanisme de déflation est particulièrement destructeur car il impacte fortement les comportements des agents économiques qui  reportent leurs décisions de consommation et d'investissement, anticipant que les prix seront moins élevés plus tard. Dès lors, les agents économiques privés (ménages, entreprises) cessent de consommer et d'investir, amplifiant ainsi les effets négatifs sur la croissance et l'emploi, dont il est particulièrement difficile de s'extirper par la suite. Les indicateurs d'évolution des prix soulignent d'ores et déjà un risque réel sur les services, les biens manufacturiers et alimentaires.

De plus, une inflation négative (déflation) accroît mécaniquement le poids de la dette. Or, les mécanismes de déflation semblent déjà être à l'œuvre (de façon plus ou moins marquée) dans des pays tels que l'Espagne, le Portugal, Chypre, Malte ou la Grèce qui font justement parti des pays où la dette est un problème majeur. De plus, la parité des changes entre l'Euro et le Dollar accroît cette dynamique avec une parité euro/dollar forte, autrement dit la monnaie unique s'apprécie (hausse de la valeur) ce qui aboutit à "importer de la déflation". En effet, comme les taux d'inflation sont déjà très bas, le fait d'avoir une monnaie "forte" réduit encore plus l'inflation, risquant ainsi de la faire passer dans une zone négative. Notons cependant qu'avec un taux de chômage si élevé en zone euro, il n'y a rien d'étonnant à voir l'inflation ralentir et ue cela traduit en réalité un mécanisme naturel.

Solde extérieur et disparités

Prise comme un tout, la Zone Euro dégage un excédent courant. En effet, les pays de la zone euro dégagent collectivement un solde de la balance courante de 3% du PIB. Pratiquement, ce résultat signifie que les échanges commerciaux et financiers des pays de la zone euro avec le reste du monde sont excédentaires. En d'autres termes, cela signifie que la zone euro accumule de l'épargne (ce qui explique d'ailleurs largement le niveau "élevé" de l'euro face aux autres devises). Toutefois, cela implique également que cette épargne n'est pas investie aboutissant donc à un excès d'épargne par rapport à l'investissement.

Dans le détail, il existe de fortes disparités. En effet, il existe grosso modo trois grands groupes de pays :

  • Les pays qui étaient fortement déficitaires avant la crise mais qui tendent à l'équilibre après la mise en place de réformes (Les PIGS - Portugal, Italie, Grèce, Spain-Espagne) ;
  • Les pays qui étaient déjà excédentaires avant la crise du fait de réformes en amont (Allemagne et Pays-Bas) ;
  • Enfin, les pays qui restent fortement déficitaires car les réformes nécessaires n'ont pas été (et ne sont pas) menées (typiquement la France).

L'Espagne est le pays dont proviennent le plus de bonnes nouvelles

La reprise économique se confirme en Espagne. En effet, au troisième trimestre 2013, le pays a enregistré une croissance de +0,1%, ce qui est encore très loin des +3,5% d'avant crise, mais ce qui permet néanmoins d'acter le fait que le pays est sorti de huit trimestres de baisse d'activité (récession). Dès lors, même si la dynamique négative sur la croissance semble interrompue, il n'en demeure pas moins que le pays reste à des niveaux très bas et encore inférieurs à ceux que le pays connaissait avant 2008-2009.

Plus que le niveau, c'est la dynamique qui est importante à retenir en Espagne. En effet, le pays revient d'une période où son économie a explosée dans le sillage de son secteur immobilier. Dans ce cadre, c'est toute l'économie espagnole qui devait être reconstruite dans un contexte d'effondrement de la consommation et de l'investissement, et d'explosion du chômage. Dès lors, à court terme, l'enjeu pour le pays était de faire retrouver un fonctionnement normal à son économie, mais ce au prix d'ajustement importants sur le marché du travail notamment, mais douloureux socialement.

L'idée sous-jacente est d'opérer une "dévaluation interne". En effet, étant donné que le pays ne peut plus effectuer de dévaluation monétaire traditionnelle pour regagner de la compétitivité depuis que le pays a adopté la monnaie unique, l'Espagne a dévalué "artificiellement" son économie. Pour ce faire, le pays a très fortement réduit ses coûts de production. Au final, l'Espagne est le pays où les gains de compétitivité sont les plus important et au sein duquel les exportations ont le plus augmenté depuis 2008 au sein de la zone euro, gagnant des parts de marché vis-à-vis de pays tels que la France qui n'ont pas effectué ces évolutions.

Conclusion

Tout d'abord, la reprise économique semble amorcée, mais elle reste encore fortement conditionnée et faible. De plus, elle est moindre que celle qu'il était possible d'anticiper il y a encore quelques mois.

Ensuite, la reprise économique est relativisée par le chômage qui demeure élevé et la croissance qui est encore insuffisante pour le faire diminuer, mais aussi du fait des risques de déflation qui pèsent sur les pays de la zone euro. En effet, la croissance économique est encore trop faible pour anticiper une baisse du chômage en zone euro avant la fin 2015. De plus, cette baisse du chômage sera très modeste. Le risque de déflation pourrait générer des comportements attentistes de la part des agents économiques, limitant ainsi de fait les perspectives de reprise. Dans cette esprit, la Banque Centrale Européenne a décidé début Novembre de diminuer ses taux d'intérêt de 0,25% afin, notamment, de faire face à ce risque.

Enfin, au-delà des aspects sociaux, une croissance économique qui augmente, mais qui n'a toujours pas retrouver sa dynamique d'avant crise, et qui doit composer avec l'évolution démographique naturelle (vieillissement et retraites, arrivée des nouvelles générations sur le marché du travail), va se traduire par l'aggravation des problématiques de financement qui pèsent sur les systèmes sociaux des pays de la zone euro (maladie, retraite, chômage), à fortiori dans les pays qui n'ont pas pris les mesures adéquates dans cette optique.