"J'ai déjà croisé le mensonge, le fieffé mensonge. Mais avec le ministère de l'économie, je découvre le stade ultime: la statistique" - Benjamin DISRAELI
"Lorsque circulent dans un pays deux monnaies dont l’une est considérée par le public comme bonne et l’autre mauvaise, la mauvaise chasse la bonne" - Sir Thomas GRESHAM
"Les urgences ont toujours été le prétexte sur lequel les protections des libertés individuelles ont été érodé" - Friedrich HAYEK
"La machine a jusqu’ici créé, directement ou indirectement, beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en a supprimés" - Alfred SAUVY
"Les bonnes questions ne se satisfont pas de réponses faciles" - Paul SAMUELSON
"Beaucoup considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu le voit comme le cheval tirant la charrue" - Winston CHURCHILL
"Celui qui contrôle l’argent de la nation contrôle la nation" - Thomas JEFFERSON
"Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures. Sous le socialisme, les gens ont davantage de parkings " - Winston CHURCHILL
"C'est uniquement parce que nous sommes libres dans le choix de nos moyens que nous sommes aussi libres dans le choix de nos fins. La liberté économique est par conséquent une condition indispensable de toute autre liberté" - Friedrich HAYEK
"Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées." - Winston CHURCHILL
27 mai 2014
Le vaste chantier de la réforme des supervisions bancaires et financières vise à compléter la régulation micro-prudentielle traditionnelle centrée sur les risques individuels, par une régulation macro-prudentielle prenant en compte les risques dans leur globalité.
La politique macro-prudentielle peut ainsi se définir comme ayant l’objectif de « limiter le risque systémique, c’est-à-dire le risque d’une désorganisation de grande ampleur de la fourniture de services financiers, qui entrainerait de sérieuses conséquences pour l’économie réelle » ; en d’autres termes, éviter, dans la mesure du possible, les crises mettant en jeu la stabilité du système financier.
Résumé :
Les objectifs de la politique macro-prudentielle
Deux objectifs centraux de la politique macro-prudentielle renvoient aux deux dimensions principales du risque systémique, à savoir la dimension en coupe et la dimension temporelle.
D’une part la politique macro-prudentielle vise à renforcer la résistance du système financier, c’est-à-dire « sa capacité à absorber les chocs économiques et financiers tout en évitant des répercussions majeures sur l’économie réelle ». Ainsi, le risque de défauts collectifs ou « en chaine », caractéristique d’un phénomène de contagion, doit être internalisé par les institutions financières ; un tel effet domino résulte soit d’une interconnexion et d’une opacité excessive, soit d’expositions communes à certains risques extrêmes.
D’autre part la politique macro-prudentielle vise à limiter la procyclicité inhérente au système financier, c’est-à-dire créée dans et par le système financier. La procyclicité peut ainsi se comprendre comme étant le mécanisme par lequel le système financier amplifie les cycles économiques et les variations de l’économie réelle, soit la prise de risque est trop importante dans les phases d’expansion, à cause d’un optimisme excessif connu sous le nom de « paradoxe de la tranquillité ». Soit la prise de risque est trop faible en période de crise à cause d’une aversion excessive au risque qui peut être renforcée par les asymétries d’informations et les impératifs règlementaires.
En pratique, une liste indicative d’objectifs intermédiaires plus restrictifs a été établie par le Conseil du Risque Systémique Européen (ESRB) et vise ainsi à garantir une meilleure identification des risques et une meilleure analyse de l’efficacité de la politique macroprudentielle. Ces objectifs plus opérationnels seraient :
Une intégration complexe avec les autres politiques
La politique macro-prudentielle n’est pas neutre pour les autres politiques économiques, ce qui peut créer des complémentarités ou des blocages entre différentes autorités.
La politique macro-prudentielle est très liée à la politique fiscale. D’une part, (1) la limitation de l’offre de crédit peut aller à l’encontre des politiques fiscales re-distributives ou expansionnistes ; par exemple limiter les capacités d’emprunt des ménages en vue d’acquérir un bien immobilier peut aller à l’encontre des politiques d’exonération fiscale favorisant l’accès à la propriété. D’autre part, (2) l’endettement excessif du secteur public peut renforcer la vulnérabilité du système bancaire qui se trouve davantage exposé à un risque souverain (comme en Grèce). Enfin, (3) les garanties implicitement accordées par l’Etat aux grandes banques (« too big to fail ») risquent de limiter l’efficacité de la politique macro-prudentielle en renforçant les incitations à la prise de risque systémique.
La politique macro-prudentielle est aussi très liée à la politique monétaire, les deux étant généralement complémentaires : la politique macroprudentielle, en limitant la propagation des chocs sur le prix des actifs ou sur l’offre de crédit, peut renforcer le mécanisme de transmission de la politique monétaire. Toutefois l’une et l’autre ne vont pas forcément de pair : en période d’inflation maîtrisée, l’apparition d’une bulle (comme aux USA sur le marché immobilier) ne peut être empêchée par la politique monétaire. Par ailleurs le bilan des institutions surendettées peut être renforcé en érodant la valeur réelle du passif ou en soutenant le prix des actifs, ce qui peut se traduire par un retour de l’inflation.
Enfin la politique macro-prudentielle est très liée à la politique micro-prudentielle dont elle partage certains outils (ratios de capitaux ou de liquidité). Toutefois les objectifs sont différents : au cours d’une crise bancaire, l’autorité micro-prudentielle peut avoir intérêt à renforcer les exigences de certaines banques identifiées comme étant à risque. Mais cela peut amplifier la contagion en imposant un ajustement plus rapide et simultané du secteur bancaire, ce qui renforcerait in fine le resserrement de l’offre de crédit. Aussi une autorité macro-prudentielle privilégiera davantage un assouplissement des contraintes réglementaires pour éviter un ajustement trop brutal dans le court terme. Par analogie au monde de la finance, l’autorité macroprudentielle cherche à maximiser le rendement du portefeuille de titres (le système financier), alors que l’approche micro-prudentielle donne un poids égal et séparé à la performance de chaque titre composant le portefeuille (chaque institution financière).
Les outils de la politique macro-prudentielle
Afin d’accomplir tous ces objectifs, un certain nombre d’instruments, notamment centrés sur le secteur bancaire, peuvent être utilisés. Certains ont été introduits en droit européen, d’autres sont encore en discussion pour une application ultérieure.
Un premier ensemble d’instruments vise à renforcer la résistance du système financier et se concentre sur la dimension en coupe de la politique macro-prudentielle.
Un second ensemble de mesures macro-prudentielles se concentre sur l’instabilité inhérente au système financier, c’est-à-dire la dimension temporelle de la politique macro-prudentielle.
En conclusion la mise en place d’une politique macro-prudentielle efficace est difficile par nature. D’une part, les mesures de politique macro-prudentielle peuvent être politiquement sensibles ce qui peut pousser à l’inaction. En effet, cela revient à réduire la croissance économique de manière certaine dans le court terme pour éviter la possibilité de l’éclatement d’une bulle quelques années plus tard. D’autre part, après une série de crises graves, le régulateur macro-prudentiel peut être biaisé vers un interventionnisme excessif.
Avant que les souvenirs de la crise ne s’estompent, il est nécessaire que l’arsenal législatif soit précisé (notamment par la loi bancaire française de juillet 2013) et que les outils à disposition soient renforcés, même si tous les instruments ne seront pas nécessairement opérationnels dans l’immédiat. A vrai dire, il est peut-être même préférable que l’ensemble des nouvelles dispositions ne soient pas activées trop brusquement, vu l’ampleur des réformes en cours, au-delà du seul secteur bancaire, n'étant pas forcément coordonnées entre elles.
Citation
Thibaut Duprey, BSI Economics « Qu'est-ce que la politique macroprudentielle ? », analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 27/05/2014.
Thibaut Duprey et chercheur-analyste à la Banque de France.