"Dans une crise, la seule chose prévisible, c’est l’incertitude qui suit " - Isabelle LUSCHEVICI
"Il y a lieu d’adopter la stabilité du niveau des prix comme, à la fois, but de la politique monétaire, guide et critère de réussite" - Milton FRIEDMAN
"Mes clients sont libres de choisir la couleur de leur voiture à condition qu’ils la veuillent noire" - Henry FORD
"L'inflation est une taxation sans législation" - Milton FRIEDMAN
"Vous ne pouvez pas taxer les gens quand ils gagnent de l'argent, quand ils en dépensent, et quand ils épargnent" - Maurice ALLAIS
"Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, c’est le client" - Henry FORD
"Une démocratie peut se rétablir rapidement d'un désastre matériel ou économique, mais quand ses convictions morales faiblissent, il devient facile pour les démagogues et les charlatans de prêcher. Alors tyrannie et oppression passent à l'ordre du jour" - James William FULLBRIGH
"Le socialisme cherche à abattre la richesse, le libéralisme à supprimer la pauvreté " - Winston CHURCHILL
"Le bon stratège contraint l'ennemi et ne se laisse pas contraindre" - Sun TZU
"L’économie est fille de la sagesse et d’une raison éclairée : elle sait se refuser le superflu, pour se ménager le nécessaire " - Jean-Baptiste SAY
7 octobre 2021
La galaxie libérale a perdu l’un de ses membres la semaine dernière avec le décès d’Ivan Blot après plusieurs mois de lutte contre un cancer. Libéral un peu atypique, car il avait une grande admiration pour la Russie, alors que la plupart des libéraux français regardent plutôt vers les États-Unis. Il était membre du club de Valdaï, ancien député national puis député européen dans les années 1980-1990. Il avait notamment contribué à la diffusion de l’œuvre de Friedrich Hayek en France. Membre du cabinet de Jacques Chirac lorsque celui-ci était maire de Paris, il avait organisé une rencontre entre les deux hommes en 1985 durant laquelle Hayek c’était vu remettre la médaille d’or de la ville de Paris. Nous avions le même éditeur, Bernard Giovanangeli, et c’est grâce à ce dernier que j’ai pu le rencontrer à plusieurs occasions. Auteur de plusieurs livres de philosophie politique, il défendait notamment la démocratie directe. En mars dernier, il publiait un livre consacré au patriotisme : Patriotisme et résistance nationale, qui posait une question simple : peut-on aimer sa patrie ? Dans moins d’un mois, nous allons commémorer le centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, et le moins que l’on puisse dire c’est que cet événement marquant ne semble pas passionner les foules. J’ai toujours été surpris de la différence d’approche sur ce sujet entre l’Angleterre et la France. En Angleterre, hommes politiques et journalistes portent les poppiesen public, qui est en vente dans de nombreux kiosques. En France, nous avons le bleuet de France, quasiment introuvable et pratiquement inconnu. Pourtant, le coquelicot pour les Anglais, le bleuet pour les Français sont les fleurs symboles de la lutte des soldats pour la défense de leur pays et donc de leur liberté. Aimer son pays, sa patrie semble en quelque sorte interdit, ce qui amène à s’interroger sur le vrai sens du patriotisme. Par Jean-Baptiste Noé.
Le patriotisme n’est pas une idéologie
Il est normal d’aimer ses parents et sa fratrie ; c’est un sentiment qui dépasse la seule raison et la seule reconnaissance à l’égard de ce que nos parents nous ont donné. Il en va de même pour l’amour envers son pays. Ce n’est pas une idéologie, mais un sentiment humain, d’affection et de reconnaissance pour la culture, l’histoire, la langue, les conditions matérielles offertes par un pays où nous sommes nés. On se sent toujours plus proches des Français quand on est à l’étranger, plus à même de leur parler dans un métro de Londres ou un bus de Buenos Aires qu’on ne le ferait à Paris. Il y a la compréhension d’appartenir à une même communauté de destin, de partager quelque chose et donc de pouvoir se comprendre. Cette affection fait que l’on est prêt à donner sa vie pour son pays. C’est le sens de la Résistance et de la France libre instaurée dès la défaite de 1940. On ne meurt pas pour des idées. Personne ne prendra les armes et ne livrera sa vie pour défendre la retraite par répartition, la sécurité sociale ou la laïcité. Pour défendre la France oui. C’est autour de la France que s’est faite l’unité nationale, en 1914 et en 1939, pas autour de la République ou de la défense de la constitution de 1875. Le charnel et le sentiment l’emportent sur l’institution.
Mais l’idéologie peut se servir du patriotisme
Le patriotisme est pacifiste. C’est un ressort qui sert à se défendre, mais pas à attaquer. La question est posée quant au nationalisme. Certains auteurs distinguent un bon et un mauvais nationalisme, d’autres considèrent que le patriotisme est bon, mais que le nationalisme est mauvais. En fait, ce qui est mauvais, c’est quand l’idéologie utilise le patriotisme et le nationalisme pour défendre sa cause. L’idéologie est porteuse d’un projet révolutionnaire, mais comme personne n’est prêt à mourir pour des idées, elle manipule et utilise le patriotisme dans le but de faire avancer l’idéologie. C’est ainsi que la France jacobine de 1792 c’est servi du patriotisme pour défendre la France attaquée par la coalition européenne puis pour attaquer les pays d’Europe et diffuser les idées de la Révolution. Il en va de même pour l’Allemagne nazie, qui a exploité le légitime patriotisme allemand pour assurer la fidélité et l’obéissance des officiers de l’armée afin de répandre en Europe l’idéologie nationale-socialiste. Quand les nazis ont attaqué l’URSS en 1941, Staline a répliqué en lançant la Grande Guerre patriotique. Il n’a pas mobilisé les Russes autour de la révolution bolchévique et du soviétisme, mais autour du patriotisme, de la défense de la terre russe et de l’histoire russe. C’est ainsi qu’il a pu faire l’unité autour de lui et vaincre les armées allemandes.
L’idéologie manipule le patriotisme puis le condamne et le rejette. C’est sur le patriotisme que l’idéologie fait porter ses torts et ses méfaits afin de le condamner pour se sauver. En effet, le patriotisme est un rempart à l’idéologie révolutionnaire. La révolution est universaliste et mondialiste, que ce soit la révolution jacobine de 1792, la révolution bolchévique et même la révolution nazie qui cherchait à s’étendre en Europe. Le patriotisme au contraire est nationaliste. Il défend sa terre et son territoire contre les invasions étrangères. Patriotisme et révolution ne peuvent donc qu’être opposés et en contradiction. Pour que la révolution triomphe, il faut que le patriotisme s’efface. D’où la stratégie perfide des révolutionnaires que d’utiliser le ressort patriotique pour gagner et s’imposer puis d’attribuer au patriotisme les maux de la révolution afin de l’éliminer. Cela rappelle la stratégie de Staline envoyant les brigades rouges au goulag, après s’être servie d’elles pour tenter de conquérir l’Espagne.
Le noir et le vert
Les idéologies rappellent Woland, le diable, personnage du Maître et Marguerite de Boulgakov. Il a un œil vert pour donner l’espoir aux hommes et un œil noir pour conduire vers la mort et la destruction. Les idéologies présentent le vert, elles donnent beaucoup d’espoir, mais elles conduisent au noir, elles apportent la mort. La mort principale étant les attaques contre le patriotisme. Un homme dénué de mère patrie est privé de racines, de culture, de transmission et de transcendance. C’est un homme sans vie et stérile, car n’ayant rien reçu il ne peut rien transmettre. Le patriotisme est donc lié à la liberté, car les hommes libres sont des êtres de culture. Ce ne sont pas forcément que des intellectuels ; les hommes du peuple aussi peuvent être des hommes cultivés. Ils ont la culture de leur pays, de leur histoire, la culture des lieux où ils vivent, des chansons populaires, des traditions locales. D’où l’importance de la transmission de cette culture ; dans la famille d’abord, à l’école ensuite. Le patriotisme suppose également de définir des frontières qui permettent de délimiter ce qui est chez moi et ce qui est chez l’autre. La frontière est la matérialisation de la propriété privée. Elle n’enferme pas, au contraire, elle libère. Un homme qui possède une propriété privée à lui, un chez soi, est plus libre qu’un homme qui vit dans un habitat collectif et qui donc n’a pas de chez soi. Posséder sa maison est un acte de liberté, au même titre que posséder sa patrie. L’effacement des frontières ne rend pas l’homme libre, mais au contraire l’asservit. L’effacement des frontières est une atteinte à la propriété privée, source et origine du droit et donc du développement. Pour la pérennité d’une société, il est aussi nuisible de supprimer la propriété privée des frontières que la propriété privée d’une maison ou d’une terre.
Les hommes de bien
Face aux idéologies révolutionnaires qui tentent d’effacer la personne en effaçant la propriété privée de la nation, ce sont les patriotes qui se lèvent et qui sont prêts à donner leur vie pour leur patrie. C’est le général de Gaulle en 1940 qui refuse la défaite et son corollaire : l’occupation de la France. Il finit condamné à mort. C’est Claus von Stauffenberg, officier de la Wehrmacht et aristocrate allemand qui dirige un attentat contre Hitler et qui finit exécuté. C’est Alexandre Soljenitsyne, qui prend la plume contre l’idéologie communiste et qui termine exilé, ce qui est une autre forme de mort. La question est aujourd’hui posée avec l’islamisme, qui est une autre idéologie révolutionnaire. L’islamisme efface les frontières et les patries : il ne reconnaît ni l’Irak, ni la Syrie, ni aucuns pays arabes, car il cherche à bâtir un grand empire califal. Comme toutes les idéologies révolutionnaires, il attaque les patriotismes, en se servant d’eux pour gagner ses combats. Pour le vaincre, il faut donc lui opposer un patriotisme, comme les Français libres face aux nazis ou les Russes envahis en 1941. Ce n’est pas en invoquant la laïcité, le droit des femmes ou le vivre ensemble que l’on pourra vaincre l’islamisme, mais en revalorisant le patriotisme. Or cela ne semble pas être à l’ordre du jour, comme le manifeste très bien le cinéma.
Les heures sombres
L’année 2017 a produit un très bon film, Les heures sombres, qui raconte le combat mené par Winston Churchill en mai 1940 pour faire accepter le principe de la lutte contre Hitler. Bien que conservateur, Churchill a le soutien du parti travailliste, alors que de nombreux conservateurs veulent le renverser. C’est le cas de Neuville Chamberlain, ancien Premier ministre, et de Lord Halifax, ministre des Affaires étrangères. Tous les deux estiment que l’on peut s’entendre avec Hitler et qu’il vaut mieux négocier avec lui. Non par sentiments nazis, mais parce qu’ils estiment que l’Angleterre ne pourra pas gagner la guerre et qu’Hitler est un partenaire avec lequel on peut s’entendre. Chamberlain étant l’homme qui a négocié les accords de Munich (1938) on constate que celui-ci n’a pas beaucoup appris de son erreur. Ce que Lord Halifax et Neuville Chamberlain n’ont pas compris, c’est qu’Hitler n’est pas un patriote allemand (avec qui on peut donc négocier), mais un révolutionnaire nazi qui utilise le patriotisme allemand. Or on ne peut pas négocier avec un révolutionnaire, car celui-ci agit sur un autre plan que le patriote ou le diplomate rationnel. Ce qu’il veut, ce n’est pas conquérir un territoire, mais imposer son idéologie à la terre entière. Nul compromis n’est donc possible puisque pour le révolutionnaire la guerre ne peut cesser qu’avec la destruction totale de l’adversaire. Pour contenter Hitler, Halifax et Chamberlain auraient donc dû raser l’Angleterre et la livrer entre ses mains. Churchill a compris le projet révolutionnaire des nazis et donc l’impossibilité de négocier avec eux. Il sait aussi que l’armée allemande est supérieure à l’armée anglaise et qu’ils ne peuvent pas gagner, pour l’instant. Ce qui suppose deux choses : tenir derrière la Manche en utilisant l’avantage stratégique de l’insularité et s’allier avec les États-Unis afin de disposer du matériel militaire pour gagner un jour. Et pour empêcher le débarquement allemand puis gagner la guerre, il faut s’appuyer sur le patriotisme. C’est ce qu’il a fait, et il a réussi.
Le débat qu’a connu l’Angleterre entre Chamberlain et Churchill, la France l’a connu aussi, entre Pétain et de Gaulle. La différence étant que la France étant occupée, elle ne pouvait pas compter sur son repli stratégique. Raison pour laquelle de Gaulle pensait replier l’armée en Algérie et faire barrage aux Allemands en Méditerranée avec la flotte basée à Toulon, à l’époque la deuxième flotte du monde derrière l’Angleterre. L’Empire tant vanté par les stratèges aurait enfin pu servir dans une opération militaire. Une autre voie a été prise, mais l’Algérie fut bien le siège de la France libre et de la reconquête à partir de 1943.
Au-delà de l’histoire, ce qui est remarquable ici c’est qu’un tel film, Les heures sombres, existe. Les Anglo-saxons ont encore des films patriotiques qui mettent à l’honneur leurs gloires et leurs héros. Rien de cela en France. Au cinéma, la Seconde Guerre mondiale fut traitée sur le plan humoristique (La grande vadrouille, La 7eCompagnie, Papy fait de la résistance…) ou bien sur le plan dramatique, avec des films traitant de la collaboration, de la déportation, de l’Holocauste. C’est une part réelle de la guerre, qu’il est normal de traiter, mais ce type de film sature l’espace mémoriel. Àquand aussi des films glorieux ? À ma connaissance, il n’existe aucun film sur le commando Kieffer, pourtant héroïque lors du 6 juin 1944. Aucun film non plus sur la bataille de Bir Hakeim (1942) où les 3 700 hommes du général Koenig tinrent tête aux 37 000 hommes de l’Afrika Korps. Grâce à cela, les Anglais purent reprendre l’initiative et ensuite gagner à El Alamein. Aucun film sur le général Leclerc ou sur Honoré D’Estienne d’Orves et le réseau Nemrod. On ne demande pas de la propagande, seulement des films qui retracent les événements historiques et qui redonnent à rêver à des générations nouvelles que l’on sature de parts sombres.
Ce simple rappel des faits serait beaucoup plus efficace pour bâtir un sentiment commun d’appartenance nationale que l’évocation d’une laïcité évanescente ou l’organisation de journées écocitoyennes de ramassages des déchets. Allons plus loin : on pourrait aussi faire des films sur les grands chefs d’entreprise, les savants, les écrivains. En 1830, c’est en voyant l’opéra d’Auber, La muette de Porticique les Belges se sont soulevés contre l’occupant et ont pris leur indépendance. L’art accompagne le patriotisme, dans un amour juste et bien compris du beau et de la culture.