"Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, c’est le client" - Henry FORD
"L’économie se venge toujours" - Raymond BARRE
"L'étonnante tâche des sciences économiques est de démontrer aux hommes combien en réalité ils en savent peu sur ce qu'ils s'imaginent pouvoir modeler" - Friedrich HAYEK
"En France quand on raisonne économiquement on est soupçonné de conspirer socialement" - Auteur indéterminé
"Il n'y a que deux possibilités, soit un système dirigé par la discipline impersonnelle du marché, soit un autre dirigé par la volonté de quelques individus; et ceux qui s'acharnent à détruire le 1er contribuent, sciemment ou inconsciemment, à créer le 2nd" - Friedrich HAYEK
"Je parle de l’esprit du commerce qui s’empare tôt ou tard de chaque nation et qui est incompatible avec la guerre" - Emmanuel KANT
"Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice." - MONTESQUIEU
"Casser l’inflation se fait toujours au détriment de l’emploi" - Nicholas KALDOR
"Vous ne pouvez pas taxer les gens quand ils gagnent de l'argent, quand ils en dépensent, et quand ils épargnent" - Maurice ALLAIS
"Le socialisme cherche à abattre la richesse, le libéralisme à supprimer la pauvreté " - Winston CHURCHILL
21 mai 2013
La France vient récemment de bénéficier d'un allongement de deux ans accordé par la Commission Européenne pour ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB. Toutefois, ce délai accordé n'est pas sans contrepartie. En effet, la France s'est engagée en échange à réaliser des réformes structurelles durant cette période, et notamment celle des retraites. Néanmoins, avant d'être imposée par l'extérieur, cette réforme est avant tout indispensable pour pérenniser le système français de retraite par répartition et faire face au déficit public. La forme finale de la réforme n'est pas encore arrêtée mais les paramètres sont connus, et les marges de manœuvre sont minces. L'arbitrage est relativement simple : recul de l'âge de départ à la retraite pour maintenir le niveau de vie, ou alors préférence pour la hausse des cotisations et la baisse des pensions pour continuer à partir tôt à la retraite au détriment du niveau de vie.
Un système de retraite par répartition fonctionnant sur la solidarité intergénérationnelle
Le système des retraites français fonctionne sur le principe de la répartition, ce qui implique que les cotisations des personnes actives financent les pensions des retraités. Autrement dit, les travailleurs actuels ne cotisent pas pour leur propre retraite, ce sont les futurs actifs qui cotiseront à leur tour pour eux, et ainsi de suite.
L'architecture actuelle fait une large place à la confiance. En effet, le système ne peut fonctionner que si les actifs actuels ont la certitude que leur retraite sera financée par les cotisations des futurs actifs. Les actifs consentent donc à cotiser que si leur retraite est garantie. Si d'aventure cela devait ne plus être le cas, les retraités actuels ne pourraient plus percevoir de pensions, et les actifs devraient financer eux-mêmes leur retraite. Le système de répartition intergénérationnel (entre les générations) serait abandonné de fait au bénéfice d'un système par capitalisation où chacun cotise en fonction de ses moyens actuels et de ses besoins futurs anticipés.
Un système hérité de l'après-guerre inadapté aux évolutions de la société
Le système de retraite par répartition est issu du conseil national de la résistance et date d'après la seconde guerre mondiale, il y a près de 70 ans. A cette époque, les données démographiques, sociales et économiques n'étaient pas les mêmes. En effet, après-guerre, la durée moyenne de cotisation était d'environ 50 ans, contre 40 ans actuellement; et le temps passé à la retraite était inférieur à 10 ans, contre plus de 20 ans actuellement. Parallèlement, le nombre de cotisants étaient beaucoup plus élevé que le nombre de retraités.
Depuis, l'évolution démographique de la France a fortement évolué (graphique 1 ci-dessus). En effet, le nombre de cotisants par retraité est passé de 3 en 1975, à 1,5 actuellement, et la tendance à la baisse va se poursuivre irrémédiablement. De plus, le montant des pensions de retraite n'a cessé d'augmenter et atteint actuellement en moyenne 1250 euros nets par mois. Ainsi, si rien n'est fait, le déficit des retraites va augmenter jusqu'à représenter près de 120 milliards d'euros en 2050 (graphique 2 ci-dessus).
Un système sous contrainte budgétaire qui fait face à un enjeu de crédibilité
En l'état actuel, le système n'est pas pérenne car le nombre de retraités et le montant des pensions vont augmenter, alors que parallèlement le nombre de cotisants va diminuer. Dès lors, le déficit va se creuser, grevant ainsi de plus en plus les finances publiques et diminuant de fait fortement les marges de manouvres financières. La France doit donc impérativement adapter son système de retraite par répartition si elle veut conserver une logique de solidarité intergénérationnelle qui soit soutenable. De plus, le fonctionnement actuel limite la croissance potentielle du pays de par les charges qui pèsent sur l'activité économique privée.
La France doit également faire face à un enjeu de crédibilité sur la scène européenne. En effet, le pays vient de bénéficier d'un délai de deux ans pour atteindre son engagement de réduction des déficits publics. Pour atteindre cet objectif, la France doit notamment mettre en place cette réforme fondamentale. Si elle n'y parvenait pas, cela confirmerait les craintes de la Commission Européenne sur la volonté de la France à atteindre les objectifs auxquels elle s'est engagée auprès de ses partenaires européens.
Les conséquences en terme d'image seraient désastreuses face à des pays qui ont déjà mis en place des réformes beaucoup plus contraignantes et ambitieuses. La crédibilité de la France serait lourdement affectée et les autres pays seraient en droit de protester contre le fait que la France bénéficie d'un traitement spécial. Enfin, cela confirmerait l'isolement de la France sur la scène européenne et mondiale qui va à contre-courant des politiques misent en place partout. Dès lors, le risque est bien entendu d'affaiblir la France, et par effet ricochet, l'ensemble des pays partenaires étant donné son poids économique. Ainsi, la France est mise face à ses responsabilités et cette réforme constitue un test fondamental pour savoir si le pays est prêt à un discours de vérité.
Les enjeux de la réforme
La réforme des retraites constitue une politique structurelle par excellence car elle modifie de fait durablement le fonctionnement de l'économie à long terme. Dans ce cas précis, et à moins d'envisager de changer totalement le régime pour un système par points ou par capitalisation par exemple, la réforme ne pourra être qu'une réforme dite "paramétrique" (qui joue sur plusieurs paramètres). Il existe quatre paramètres sur lesquels le gouvernement peut agir :
1) Hausse du montant des cotisations :
2) Baisse du niveau des pensions :
3) Hausse de la durée de cotisation :
4) Recul de l'âge légal de départ à la retraite :
La différence entre l'âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation est subtile mais importante. En effet, l'âge légal de départ détermine l'âge à partir duquel un actif peut prétendre à bénéficier de ses pensions retraites. La durée de cotisation détermine quant à elle le nombre d'années de cotisations nécessaires pour bénéficier de sa retraite à taux plein. Autrement dit, il est possible de partir à la retraite légalement sans forcément pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein si l'actif n'a pas cotisé le nombre d'années suffisantes.
Une équation économique simple, mais un dilemme politique insoluble
D'un point de vue purement économique, il parait clair que les seules variables pertinentes sont le recul de l'âge de départ à la retraite et l'augmentation de la durée de cotisation. Faire évoluer ces deux paramètres permet en effet de se placer dans une logique de long terme, comme l'exige une réforme qui veut modifier durablement l'environnement économique, sans peser sur la compétitivité d'une économie, ni grever le pouvoir d'achat.
Toutefois, à ce niveau, l'équation à résoudre est autant politique qu'économique. En effet, le gouvernement actuel se trouve confronté à un dilemme quasiment insoluble :
Au final, le gouvernement a quatre solutions. (1) Soit le gouvernement change complètement de système, mais cela est très improbable dans un pays réfractaire au changement et profondément attaché à son système par répartition. (2) Soit il joue sur l'ensemble des paramètres, mais alors il cumulerait l'ensemble des inconvénients, sans pour autant forcément bénéficier de tous les avantages. (3) Soit il arbitre en faveur de la préférence pour continuer à partir tôt en augmentant les cotisations et en diminuant le montant des pensions, mais alors au détriment du niveau de vie. (4) Soit il arbitre en faveur du recul de l'âge légal de départ afin de maintenir le niveau de vie sans affaiblir la compétitivité de l'économie.
Les risques
Le premier risque consiste à réaliser une réforme à minima qui servirait plus à donner des gages politiques de court terme qu'à régler un problème économique structurel. Dans ce cas, le gouvernement aura économisé en termes de capital politique sur la scène nationale ce qu'il aura perdu sur la scène européenne et mondiale, mettant ainsi en péril la construction européenne et la pérennité de la zone euro. De plus, ce serait prendre le risque d'attiser un conflit de générations. Les jeunes générations pourraient penser, à juste titre, que leurs retraites ne seront peut-être pas financées, ou très modestement, ou alors, qu'il leur faudra atteindre un âge très avancé pour en bénéficier. Le contrat permettant la répartition intergénérationnelle qui suppose l'acceptation à la cotisation serait affaibli.
Si le premier risque est une possibilité, le second est une quasi-certitude, surtout au regard de déclarations vis-à-vis de l'Europe et de l'Allemagne de la part de la majorité au pouvoir. En effet, le gouvernement va probablement utiliser l'argument d'un "diktat" (toute proportion gardée) imposé de l'extérieur pour justifier et légitimer cette réforme compliquée politiquement. Rentrer dans cette logique serait malsain car cela induirait l'idée que la France pourrait faire l'économie de cette réforme, et surtout cela participerait à augmenter la défiance vis-à-vis de l'Europe, ce qui peut s'avérer très dangereux à terme.
Enfin, le risque qui semble se dessiner est de continuer à creuser les inégalités entre le secteur privé et le secteur public. Alors que l'intérêt économique collectif indique la nécessite d'unifier les différents régimes, la réforme en discussion ne semble pas prendre cette voie. Les différences de traitement sont encore nombreuses et fortes en terme de durée de carrières, calcul de pensions, départs précoces, prix spéciaux et avantages divers. A titre d'exemple, soulignons que si un salarié du privé part en moyenne à la retraite à 62 ans, un professionnel libéral (médecin, avocat, pharmacien, notaire...) part vers 64 ans, alors qu'un agent de la RATP part en retraite vers 54 ans et les agents de la fonction publique vers 57 ans. La dernière réforme va peu à peu reculer l'âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires, mais il ne sera que de 59 ans en 2020 et de 62 ans en 2050. Toutefois, étant donné le pouvoir de négociation des salariés du public (grèves et blocages) et le fait qu'ils constituent la base électorale du pouvoir politique actuel, il est peu probable que cet aspect soit envisagé. D'ailleurs, ce sujet n'est absolument pas abordé par les autorités compétentes.
Citation
Sylvain Fontan, “L'impérative réforme des retraites en France”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 21/05/2013.