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Vers un rattrapage économique de la Birmanie

23 mai 2013

La Birmanie (également appelée Myanmar) a récemment engagé un processus de démocratisation. Ce processus est symbolisé par l'élection de la figure de l'opposition à la dictature militaire, Aung San Suu Kyi, en tant que député en Avril 2012, ainsi que la dissolution de la junte militaire engagée depuis deux ans. L'évolution politique entraîne de grandes opportunités économiques, tant pour le pays que pour les investisseurs étrangers. Le pays reste très dépendant et fragile économiquement, mais une phase de rattrapage économique rapide semble déjà être enclenchée.  

Evolution des flux d'IDE entrants vers la Birmanie

 

Un pays pauvre et très dépendant mais qui offre de grandes possibilités de développement

La Birmanie est le pays le plus pauvre d'Asie du Sud-Est, et fait partie des pays les plus pauvres du monde. Le territoire Birman est plus grand que celui de la France avec une population comparable, même s'il demeure un grand flou concernant la population totale qui varie de 50 millions selon l'ONU (Organisation des Nations Unies) et 64 millions pour le FMI (Fond Monétaire International). Toutefois, le pays correspond à un marché de consommateurs potentiels très intéressant en terme de volume. En effet, 5% seulement de la population détient un téléphone portable et ¾ de la population a un accès limité à l'électricité. De plus, le pays manque cruellement d'infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aériennes, ce qui renvoie à la fois à une faiblesse et à une force. En effet, cela peut être un frein aux investissements du fait des difficultés à développer une activité, mais également une réelle opportunité d'investir dans un pays où tout est à construire.

La Birmanie a subi pendant plusieurs années des sanctions internationales provenant des Etats-Unis et de l'Union Européenne du fait des exactions de l'armée envers les ethnies minoritaires et l'opposition politique. Le pays s'est donc trouvé isolé sur la scène internationale. Dès lors, la Birmanie a focalisé ses relations économiques extérieures avec quelques pays et sur quelques produits, la rendant ainsi très vulnérable aux aléas économiques touchant ces pays et ces produits. La Birmanie a d'ailleurs intégré l'ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) en 1997, ce qui a permis au pays d'exporter plus facilement vers ses partenaires commerciaux. Néanmoins, le poids du commerce extérieur demeure modéré et correspond à 20% de son PIB.

La Birmanie commerce essentiellement avec la Thaïlande qui écoule 50% de ses exportations d'énergies, et avec l'Inde et la Chine, notamment en ce qui concerne les exportations agricoles. La Chine est d'ailleurs le principal pays d'où la Birmanie importe des produits. La Birmanie est riche en ressources minières, pétrolières et gazières, ce qui la rend vulnérable aux fluctuations de la demande et des prix pour ces matières premières dont elle tire l'essentiel de ses ressources. Néanmoins, la Birmanie se trouve idéalement située avec une position géographique stratégique entre la Chine, l'Inde, la Thaïlande et la Bangladesh.

Une évolution politique qui entraîne un changement d'environnement économique

La démocratisation du pays et la dissolution de la junte militaire a amené des pays comme les Etats-Unis et l'Europe a arrêté leurs sanctions économiques contre le pays. Ce faisant, la Birmanie a bénéficié d'une réduction de 50% de sa dette (soit 6 milliards de dollars) et du rééchelonnement sur 7 ans de l'autre partie de sa dette auprès de ses créanciers internationaux via le "Club de Paris" qui correspond à un groupement informel de pays riches. Dans le même temps, le Japon, qui a toujours été soucieux de conserver des rapports avec la Birmanie afin de contrebalancer l'influence de la Chine dans ce pays, a lui aussi tiré un trait sur près de 2 milliards de dollars que la Birmanie lui devait et prévoit d'investir 18 milliards de dollars d'aides. De son côté, les Etats-Unis ont lancé des discussions concernant un accord commercial bilatéral afin d'instaurer une plateforme de coopération entre les deux pays sur les questions liées au commerce et à l'investissement.

En pratique, tous ces changement dans l'environnement économique font que le pays s'ouvre aux investissements étrangers qui ont fortement augmenté depuis deux ans pour atteindre près de 2 milliards de dollars en 2012 (voir graphique ci-dessus), lesquels bénéficient à près de 100 entreprises, contre moins de 500 millions de dollars au cours des années 2000. Les investissements proviennent pour le moment essentiellement de Chine, Hong-Kong, du Japon, de la Corée du Sud et de Singapour. Les entreprises occidentales devraient commencer à s'intéresser de plus en plus à un marché où nombres de leurs industries correspondent à des besoins du pays.

Alors qu'entre 2000 et 2007 le pays bénéficiait d'une croissance moyenne de +13%, sa dépendance aux fluctuations conjoncturelles des pays partenaires a entraîné un ralentissement de la croissance à +5% en moyenne entre 2007 et 2012. Le regain de croissance observé depuis semble indiqué que le pays bénéficie de l'augmentation de l'afflux de capitaux étrangers entraîné par le nouvel environnement économique. En effet, cela se traduit par une augmentation de la croissance en 2012 à +6,5% sous l'impulsion des réformes économiques et politiques, et l'ouverture du pays. L'année 2013 devrait être encore plus positive avec une croissance anticipée vers +7% grâce à la production de gaz et la hausse des investissements.

Il demeure néanmoins des risques qu'il convient de surveiller. En effet, le pays reste encore très administré et c'est un pays dont la capacité en terme de gestion macroéconomique reste limitée car le personnel dirigeant est encore trop peu nombreux et trop peu formé. De plus, la gestion de la transition économique reste risquée, notamment face aux risques politiques et sociaux. Sans oublier le fait que les militaires conservent des intérêts importants dans les activités économiques. Dès lors, un retour en arrière est très peu probable car personne n'y gagnerait, mais une évolution délétère ou mal gérée n'est pas inenvisageable.

Citation

Sylvain Fontan, “ Vers un rattrapage économique de la Birmanie ”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 23/05/2013.