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La réforme bancaire en France

28 mai 2013

Lors de la dernière campagne électorale présidentielle française, le candidat socialiste François Hollande avait promis une réforme bancaire pour lutter contre la finance, alors désignée comme "l'ennemi" de la France. L'idée principale était de séparer les activités de dépôts et de crédit des activités de marché pour le compte propre des banques dont la nature était jugée néfaste pour l'économie. Un an après, il ressort que la réforme bancaire présentée comme le moyen d'éviter une nouvelle crise, sera finalement vidée de sa substance car sous un aspect de bon sens et de simplicité cette idée n'était pas capable de rendre compte de la complexité de la situation.

Répartition moyenne de l'actif des 4 plus grandes banques françaises

 

Une réforme dont l'utilité n'est pas évidente

La question de savoir si les activités bancaires doivent être séparées en deux impose de s'interroger sur l'utilité de cette démarche. Le but annoncé est de diminuer les impacts jugés négatifs de la spéculation tout en améliorant le financement de l'économie. En pratique, le financement de l'économie consiste à octroyer des crédits aux ménages pour leurs permettre de consommer, et des crédits aux entreprises pour leur permettre d'investir. Or, séparer les deux activités permettrait par hypothèse de limiter le risque mais n'améliorerait en rien le financement de l'économie. De plus, notons qu'interdire la prise de risque reviendrait de fait à interdire le crédit car le crédit est par nature risqué car les banques ne sont jamais sûres d'être remboursées.

Un autre élément pour apprécier l'utilité de la séparation des activités bancaires revient à se demander si une telle réforme aurait permis d'éviter la crise financière de 2007-2008. Il apparaît que la réponse à cette question est négative. En effet, il convient de rappeler que la crise financière n'est pas née des activités de spéculation mais de l'activité de crédit dans le secteur immobilier. De plus, les banques qui n'avaient que des activités de crédit ont également été touchées, certaines ont même fait faillite. A titre d'exemple, la banque anglaise Northern Rock a fait faillite alors qu'elle était uniquement centrée sur l'activité de crédit sans autres activités annexes de type spéculatives ou d'investissement.

Enfin, il convient de souligner le fait que la définition d'une barrière entre activité de financement de l'économie et activité de spéculation est très difficile à tracer. En effet, les deux activités sont en réalité très liées. Tout d'abord, rappelons que tous les ans, l'Etat français ainsi que les collectivités émettent de la dette à hauteur de 200 milliards d'euros, et les entreprises cherchent à placer 70 milliards d'euros pour se financer. L'activité de marché permet donc également de financer l'économie. Au même titre, en plus de proposer des crédits aux agents économiques, les banques permettent à ces derniers de trouver des solutions d'épargne comme l'assurance-vie qui se place sur les marchés, ce qui participe également à financer l'économie.

Une réforme dont le contenu à des effets très marginaux

L'actuel président de la République française avait déclaré lors de son discours du Bourget du 22 janvier 2012 : "Maîtriser la finance commencera par le vote d'une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leur opération spéculatives". Force est de constater que cette déclaration, qui s'était formalisée dans l'engagement numéro 7 de son programme électoral ("Je séparerai les banques"), n'aura pas entraîné une traduction dans les faits. En effet, au lieu d'une séparation des activités bancaires, il y aura seulement un cloisonnement partiel des activités jugées spéculatives dans une filiale à part.

Le Président Directeur Général (PDG) de la banque Société Générale, Frédéric Oudéa, a déclaré que les mesures mises en place concerneront moins de 1% de ses activités. Il arrive à ce résultat en constatant que le champ d'action de la réforme concernera entre 3% et 5% des activités de banque de financement et d'investissement, qui représentent elles-mêmes 15% des revenus totaux de la banque. Il est donc possible de dire que l'impact de cette réforme sera très marginal sur l'activité bancaire. Le ministre français de l'économie, Pierre Moscovici, l'a même concédé en déclarant que "à vouloir séparer on risque de fragiliser les deux activités".

Le risque bancaire existe mais le vrai problème n'est pas celui de la séparation des activités

Les banques sont un élément central du fonctionnement économique. Sans elles, l'activité économique est impossible. En dehors du rôle fondamental des banques il convient d'observer que ces dernières font peser un risque sur l'ensemble de l'économie au travers de leur rôle systémique. Le risque systémique indique un risque en chaîne sur l'ensemble de l'économie. En effet, la taille et l'importance d'une banque entraîne en cas de faillite la ruine des épargnants de la banque en question. L'interdépendance des différentes banques fait ensuite que la faillite d'une banque risque d'entrainer la faillite d'autres banques, et ainsi de suite. A ce titre, le système bancaire européen identifie huit banques dont l'impact systémique est très élevé, dont quatre sont françaises.

Pour cette raison de risque systémique il convient de ne pas négliger le risque bancaire, et à fortiori en France au regard du nombre de banques qui font courir un risque systémique certain à l'ensemble de l'économie. Dans ce sens, il convient de souligner le deuxième aspect de la réforme bancaire qui constitue une réponse plus opérationnelle. En effet, l'idée est que l'Etat peut intervenir pour recapitaliser la banque avant que le risque de faillite ne soit avéré, alors qu'auparavant, l'Etat ne pouvait intervenir qu'au dernier moment. Pour ce faire, l'idée est de faire payer dans un premier les détenteurs de dette "sénior" (détenteur d'obligations à remboursement prioritaire) puis de dette "junior" (détenteur d'obligations à remboursement secondaire), puis les actionnaires, et enfin le contribuable en dernier recours. Toutefois, le recours aux actionnaires et aux détenteurs de dettes ne saurait couvrir la totalité des pertes dans le cas d'une faillite et le recours au contribuable sera nécessaire. De plus, il est peu probable que l'Etat utilise cet aspect du fait du risque de panique que cela entraînerait dans les autres banques.

Dès lors, tout cela amène à souligner que la vraie question est celle de la limitation de la taille des banques et surtout celui de la réglementation prudentielle. Autrement dit, il convient de trouver un système pour éviter que les banques ne deviennent trop grandes pour limiter le risque systémique. Mais surtout, il faut définir des règles limitant la prise de risque des banques, ce qui passerait notamment par la hausse des ratios de liquidités, autrement dit par la limitation de la quantité de crédits accordés et la meilleure sélection des emprunteurs. La conséquence pratique serait d'augmenter les coûts d'emprunt pour les consommateurs et les investisseurs, ce qui aurait un inconvénient politique majeur et entraînerait un effondrement de la consommation.

Citation

Sylvain Fontan, “La réforme bancaire en France”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 28/05/2013.