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Economie Sociale et Solidaire (ESS) : les enjeux actuels d'un secteur en plein essor

20 janvier 2015

Économie Sociale et Entrepreneuriat Social (ESS) : l'amalgame entre ces deux concepts différents est souvent fait, soulevant ainsi un débat économique et politique au niveau national et européen.

En Europe, on assiste aujourd’hui à une montée en puissance de la vision anglo-saxonne relative à l'économie sociale et solidaire, amenant à se questionner au niveau politique et économique sur le concept de l’économie sociale et plus précisément de l’entreprise sociale. Ce qui explique notamment pourquoi ce mouvement peine à être reconnu et porté aussi bien par les acteurs de l’ESS que par les autorités politiques.

Il convient de revenir sur ces deux notions afin de mieux cerner les enjeux débattus actuellement relatifs à l'ESS.

ESS

 

En France, l’Assemblée Nationale a adopté le 21 juillet 2014 dernier la «  loi  Économie sociale et solidaire », plus communément désignée sous le terme «  loi ESS ». Aujourd’hui l’Économie sociale et solidaire regroupe une multitude d’entreprises sociales de nature très hétérogènes, réunissant les acteurs historiques tels que les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations. Mais, de nouvelles structures hybrides, comme les sociétés commerciales poursuivant un objectif d’utilité sociale, font également leur apparition. Cette loi se donne comme objectif de poser pour la première fois le périmètre de l’ESS.

L’Économie sociale et solidaire aspire à « placer l’homme au cœur de l’économie et à mettre les activités économiques au service d’un engagement social ». Considérée à la pointe de l’innovation sociale, elle se positionne comme une solution alternative aux défis multiples posés par les crises économiques, sociales, environnementales et morales, d'abord dans les pays développés, mais également dans les pays en développement. Elle place l’entreprise sociale au cœur du mouvement, comme acteur clé du changement.

L’ESS fait face à un boom ces dernières années aussi bien au niveau national qu’au niveau européen. En France, le gouvernement a enregistré depuis 2000 une hausse de 24% d’emplois supplémentaires dans les entreprises d’économie sociale contre une progression de 4% dans l’emploi privé. Ce secteur compte actuellement 215 000 entreprises avec plus de 2 millions de salariés et représente 10% de l’emploi rémunéré. Un poids important étant donné la place importante du bénévolat au sein de l’ESS. Au niveau européen, l’économie sociale représente 10% de l’ensemble des entreprises soit 6,5% de l’emploi rémunéré. On compte désormais 2 millions d’entreprises employant plus de 14 millions de salariés. Entre 2003 et 2009, l’emploi rémunéré au sein de l’ESS a augmenté de 26,8% dans l’Union Européenne.

Bien que le concept d’Économie sociale et solidaire soit à l’origine né en Europe, l’entreprise sociale n’est néanmoins pas reconnue de la même manière dans tous les États européens. Cette difficulté provient de l’opposition entre l'approche européenne et anglo-saxonne de la vision de l'entreprise sociale. En effet, la notion d’économie sociale (i.e. entreprises de l’économie sociale) renvoie au premier courant et celle d’entrepreneuriat social au second. Or ces termes sont employés de plus en plus de nos jours pour désigner de manière générale l’ESS, complexifiant ainsi la catégorisation des « entreprises sociales ». Dans la pratique, cela se manifeste par la grande hétérogénéité des structures regroupées dans l'ESS.

 

1. Retour sur l’Économie sociale et solidaire: terme peu connu du grand public

1.1 Définition et historique de l’ESS en France

Historiquement, l’Économie sociale et solidaire est née au 19ème siècle au cours de l’industrialisation afin de répondre aux nouveaux besoins sociaux des classes populaires. A l’origine, ces structures ont été créées par les ouvriers pauvres dans le but de mettre en place des solutions collectives, pour mieux faire face aux problèmes de santé, de logement et d’exploitations. Dans un premier temps, elles revêtaient la forme de coopératives de consommation ou de production.

Dans la tradition française, l’Économie sociale et solidaire est « née de la volonté de citoyens de construire une société différente, plus égalitaire, où l’économie est au service de la personne ». Les quatre principales familles de structures qui la composent sont les associations, les coopératives, les mutuelles et les fondations. La principale différence par rapport aux entreprises issues de l’économie traditionnelle réside avant tout dans son mode de gestion démocratique et participatif.

Les principes qui régissent ces structures sont les suivants : la non-lucrativité individuelle, les profits sont répartis entre les salariés ou adhérents et, dans le cas des associations, sont réinvestis ; la gestion démocratique, chaque membre participe à la prise de toute décision relative à l’entreprise ; l’utilité sociale ou collective de la structure ; leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics car elles disposent de ressources mixtes (privées et publiques).

En France, c’est en 1980 que les acteurs de l’ESS ont rédigé la première charte de l’Économie Sociale. L’objectif était de définir les objectifs et leur périmètre d’action. A l’issue du décret de 1981, l’Économie sociale et solidaire fut officiellement reconnue, permettant ainsi la création d’une délégation auprès du premier ministre. Suite à la crise économique de 2007, une nouvelle vague d’initiatives a été entreprise afin de créer des emplois pour les personnes victimes du chômage de masse, à travers le microcrédit ou les coopératives d’activité et d’emploi. Ces actions ont également visé à promouvoir des formes d’échanges plus équitables, par le biais du commerce équitable, ou à développer des modes de production plus respectueux de l’environnement avec le recours aux énergies renouvelables, l’agriculture biologique et aux circuits courts.

Récemment, la loi ESS a été promulguée en juillet 2014 dans le but de faire connaître à la société civile le périmètre de l’Économie sociale et solidaire, ainsi que sa contribution dans le changement du système économique et social. L’idée est de favoriser l’implication des citoyens dans ce mouvement et d’initier un véritable changement d’échelle.

Ces dernières années, l’apparition de nouvelles catégories d’entreprises sociales a entrainé un bouleversement dans la définition traditionnelle de l’ESS. C’est le cas en particulier des sociétés commerciales, qui font le choix d’orienter leurs activités vers un objectif d’utilité sociale et de s’appliquer elles-mêmes les principes de l’ESS. Il était donc nécessaire de reconnaître ces nouveaux acteurs et de redéfinir les contours économiques, juridiques et sociaux de ce secteur en plein évolution.

Dans ce contexte, les principaux objectifs de la loi sont :

-      « Reconnaître l'Économie sociale et solidaire comme un mode d’entreprendre, innovant et durable, et aussi orienter davantage de financements, publics et privés, en direction de ces entreprises ;

-      Consolider le réseau des acteurs de l’ESS pour inscrire leur dynamique dans la durée ;

-      Redonner le pouvoir d’agir aux salariés;

-      Provoquer un choc coopératif, pour qu’au sein notamment des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) et des coopératives d’activité et d’emploi (CAE), salariés, producteurs, usagers, collectivités locales et entrepreneurs-salariés, unissent leur force pour créer de l’emploi ;

-      Renforcer les politiques de développement local durable et les initiatives des acteurs locaux, pour encourager les emplois non délocalisables dans les territoires.»

 

1. 2 Définition au niveau européen

Au niveau européen, la définition légale a été posée pour la première fois en 2002 par le Social Economy Europe, organisation qui représente les acteurs de l’Économie sociale et solidaire. Les vagues de changements successifs de l’ESS, ont amené le Comité Économique et Social Européen (CESE) à redéfinir les contours de son périmètre dans le rapport sur l’Économie sociale de 2012. Régi par les mêmes principes que dans la définition française (cités plus haut), l’objectif est d’inclure la plus grande diversité d’entités composant l’ESS dans les États européens, en particulier les entreprises privées. Face à l’ampleur du mouvement de l’ESS au sein de l’UE, la commission européenne a organisé en janvier 2014 la première conférence « Entrepreneurs sociaux : prenez la parole », afin d’aborder la question au niveau politique.

Malgré la récente tentative de mise en place d’un cadre de référence au niveau européen, permettant de fixer les critères pour établir quelles entités font partie de l’ESS, le concept d’entreprise sociale reste encore peu reconnu parmi de nombreux États d’Europe. Le Centre International de Recherches et d’Information de l’Economie Publique, Sociale et Coopérative (CIRIEC) fait état de trois catégories de pays :

-      les pays où le concept d’économie sociale est largement admis, à savoir l'Espagne, la France, le Portugal, la Belgique, l'Irlande et la Grèce ;

-      les pays où le concept d’économie sociale présente un niveau d’acceptation moyen: Italie, Chypre, Danemark, Finlande, Luxembourg, Suède, Lettonie, Malte, Pologne, Royaume-Uni, Bulgarie et Islande ;

-      les pays où le concept d’économie sociale est peu reconnu ou n’est pas reconnu du tout: Autriche, République tchèque, Estonie, Allemagne, Hongrie, Lituanie, Pays-Bas, Slovaquie, Roumanie, Croatie et Slovénie.

Si ce secteur peine encore à prendre sa place en Europe, cela s’explique notamment par les divergences sur l’origine et la signification des concepts d’économie sociale et d’entrepreneuriat social entre la tradition européenne et la tradition anglo-saxonne.

 

2. Économie sociale et entrepreneuriat social : divergences entre deux notions qui font appel à des réalités fondamentalement différentes

2.1 L’entrepreneuriat social : vision européenne versus vision anglo-saxonne

C’est aux États-Unis dans les années 1990 que l’entrepreneuriat social est apparu pour la première fois. Les pionniers dans sa conception et sa mise en œuvre étaient issus des milieux aisés de la société américaine tels que la Harvard Business School, les entreprises à but lucratif et les fondations. Leur but premier était de soutenir les acteurs engagés au quotidien pour lutter contre une multitude de problèmes sociaux.

Au sens large, l’entrepreneuriat social désigne « des activités économiques marchandes mises au service d’un but social »  .Il fait appel aux méthodes de l’économie classique du capital risque mais se  concentre davantage sur le retour social sur investissement. Ainsi tout en étant orientés vers la logique de marché, les profits se dégageant des recettes commerciales sont réalloués vers le développement de projets sociaux. Ce sont ces mécanismes de fonctionnement qui ont donné naissance au mouvement du « social business ».

L’organisation Ashoka, créée dans les années 1980 par Bill Drayton (ancien ministre de Jimmy Carter), a construit le premier réseau de soutien aux entrepreneurs sociaux. La volonté était de donner naissance à une nouvelle catégorie d’entrepreneurs sociaux mettant en avant l’individu d’une part et le caractère social des projets d’autre part, tout en s’appuyant sur le fonctionnement classique des entreprises capitalistes. D’après l’organisation, un entrepreneur social « est quelqu’un qui porte et développe un projet à caractère social selon une démarche entrepreneuriale raisonnée et pragmatique ».

En Europe la conception de l’entrepreneuriat social, revêt une dimension complètement différente. Les entreprises d’économie sociale sont inscrites dans la tradition de l’Économie sociale. L’activité économique de l’entreprise n’a pour seul objectif que de servir la mission sociale des projets, la logique de profit étant ainsi mise en second plan.

Comme l’explique Ariane Dewandre, chargée de projets chez SAW-BE, « la dynamique n’évolue pas au cœur du marché mais davantage au carrefour du marché, de la société civile et des politiques publiques ».

La définition donnée par la Commission européenne en 2011 est la suivante : « des entreprises […] pour lesquelles l’objectif social ou sociétal d’intérêt commun est la raison d’être de l’action commerciale, se traduisant souvent par un haut niveau d’innovation sociale, dont les bénéfices sont principalement réinvestis dans la réalisation de cet objet social, et dont le mode d’organisation ou le système de propriété reflète la mission, s’appuyant sur des principes démocratiques ou participatifs, ou visant à la justice sociale ».

 

2.2 Principales différences entre l’économie sociale et l’entrepreneuriat social

Les divergences dans l’origine et la signification de l’entrepreneuriat social entre la tradition européenne et la tradition anglo-saxonne, mettent en avant une différence majeure dans la vision de l’entreprise sociale :

  • Dans l’approche européenne, l’économie sociale se positionne comme une réelle alternative au modèle capitaliste tout en défendant l’importance d’un État providence fort qui soit capable de fournir des services de qualité à tous les citoyens y compris les plus démunis. L’entreprise sociale est ici définie de manière « normative » par des statuts juridiques et des principes fondamentaux régissant ses modes de fonctionnement et sa dimension collective d’entreprendre.
  • Alors que dans la conception anglo-saxonne de l’entrepreneuriat social,  c’est l’État qui agit comme subsidiaire du marché. Le modèle économique régi par la logique du marché n’est donc nullement remis en question. Dans ce cas, l’entreprise sociale est définie par des critères plus souples et moins exigeants que ceux de l’économie sociale. Elle englobe ainsi les initiatives public-privé ayant un but social, les initiatives individuelles à but lucratif réalisant des innovations sociales, ou encore les activités d’entreprises, désignées sous le terme de « responsabilité sociale des entreprises » (RSE).

On peut citer le cas des entreprises Exki ou Chipotle, chaînes de restauration qui proposent un nouveau concept de fast food utilisant des produits naturels frais dans ses recettes. En invoquant une image plus respectueuse de l’environnement et de la santé de ses clients par rapport à ses concurrents, celles-ci ne remettent toutefois pas en question le fonctionnement des fast-foods.

Pour Ariane Dewandre, chargée de projets chez SAW-BE, cette approche de l’entrepreneuriat social revient à donner « une touche sociale » aux activités commerciales lucratives sans pour autant remettre en cause le modèle capitaliste. Dès lors, la logique qui prévaut au sein de ces entreprises sociales revient à « réparer de la main gauche les dégâts qu’elles produisent de la main droite ». Une des critiques avancées est que cette forme d’entrepreneuriat social ne se donne pas pour objectif de transformer au niveau structurel le fonctionnement du modèle économique actuel mais vise plutôt à « se donner bonne conscience ».

Dans ce contexte, la question que se posent de nombreux défenseurs de l’économie sociale, est comment une entreprise se donnant une finalité sociale tout en maintenant un fonctionnement commercial classique peut-elle atteindre et garantir son objectif et sa qualité sociale.

Ces dernières années la conception anglo-saxonne tend à prédominer celle européenne, provoquant un amalgame entre les notions d’entrepreneuriat social et d’économie sociale, donnant à l’entreprise sociale un caractère plus individualiste et moins collectif. L’influence anglo-saxonne s’est notamment matérialisée par la prolifération d’entités de natures toutes plus diverses et variées les unes des autres et se désignant sous cette appellation. L’opposition entre ces deux courants explique la difficulté majeure dans un premier temps à définir et reconnaître l’entreprise sociale et dans un deuxième temps à réunir tous les acteurs de l’Économie sociale et solidaire pour porter le mouvement au niveau politique et économique.

 

3. Risques et enjeux de l’Économie sociale et solidaire face à ces divergences

3.1 Premier enjeu : la question des mesures d’impact social des entreprises sociales

Pour les défenseurs de l’approche anglo-saxonne, l’entrepreneuriat social de type social business doit adopter les outils et les modes de gestion du modèle économique capitaliste classique. Cela à l’opposé de la vision européenne, où l’entreprise sociale doit nécessairement se doter d’instruments qui soient adaptés au but social premier qu’elle poursuit, ainsi qu’à son fonctionnement et son mode de gouvernance spécifique.

Face au nombre croissant d’entreprises capitalistes se dirigeant vers des projets à dimension sociale, ce débat vise à poser une question fondamentale au niveau européen : celle des différentes mesures d’impact social.

Ces dernières années, le développement de mécanismes divers d’investissements privés de financement des entreprises sociales, tels que les ventures philanthropy ou les social impact bonds,  amènent les bailleurs  à développer des instruments permettant de mesurer de façon précise les rendements sociaux de leur contribution. Bien que ces outils peuvent avoir des retombées extrêmement positives pour les entreprises, en leur permettant d’évaluer l’efficacité de leurs actions au niveau social ainsi que de réajuster leurs fonctionnement en fonction de ces résultats, ils comportent également des risques.

En adoptant des mesures reposant davantage sur les besoins des investisseurs privés que sur les réalités en terme sociétale, on peut être amené à privilégier des objectifs quantitatifs au détriment des objectifs qualitatifs (par exemple le lien social créé). Or, la raison première d’être des entreprises sociales repose sur la dimension qualitative des activités menées. Ainsi, la question des mesures de l’impact social détermine, de façon cruciale, le débat sur la conception de l’entreprise sociale et son orientation dans le futur.

Cette question pose un enjeu de taille car ces mesures une fois définies officiellement seraient appliquées à toutes les entreprises sociales soutenues non seulement par les pouvoirs publics européens mais également par les pouvoirs régionaux et nationaux.

 

3.2 Deuxième enjeu : la privatisation de l’intérêt général

Face au retrait de l’État dans les pays européens ainsi qu’aux vagues successives de privatisation des compagnies publiques, de nombreux services d’intérêt général sont délégués aux fondations et aux grandes entreprises à but  lucratif disposant de budgets colossaux. Cette nouvelle dynamique remet en question l’efficacité des pouvoirs publics dans leurs capacités à répondre aux problèmes sociétaux.

La conception anglo-saxonne de l’entreprise sociale amène donc aujourd’hui à se questionner sur le risque de privatisation de l’intérêt général. Pour les défenseurs de cette approche, en réunissant les entreprises sociales, qui sont les acteurs au cœur du terrain et disposant de connaissances concrètes sur la réalité sociale, et les investisseurs, disposant de capacités de financement plus importantes parfois que l’État, leurs actions complémentaires permettront de mieux répondre aux besoins sociaux.

A travers cette logique, la question qui se pose concerne tout d’abord la capacité des bailleurs privés à comprendre et résoudre les problèmes sociétaux, et à y répondre, en maintenant l’objectif d’intérêt général au-dessus du privé. Le deuxième risque découlant du premier, est de voir apparaître une hiérarchisation des priorités et des défis sociaux en fonction de la logique de rentabilité du marché et non plus celle de l’intérêt général.

Dans la conception européenne, si la légitimité des entreprises d’économie sociale repose sur les dimensions d’absence de profits d’une part, et la gestion démocratique et participative d’autre part, dans la pratique la démarche selon laquelle les bénéficiaires de ces activités doivent être inclus dans l’élaboration de réponses collectives n’est pas toujours respectée. Cela amène donc à porter un regard critique sur leur fonctionnement et leur comportement.

 

Conclusion

Aujourd’hui la principale difficulté expliquant que le mouvement de l’Économie sociale et solidaire peine à prendre de l’ampleur, aussi bien à l’intérieur de la sphère de l’ESS qu’auprès des autorités politiques, s’explique par ce débat de fond sur la vision de l’entreprise sociale.

Le débat entre l’approche européenne et l’approche anglo-saxonne est au cœur du problème. La première défendant la mise en place d’un modèle économique alternatif à celui en vigueur, dans lequel ce sont les entreprises d’économie sociale qui sont les principaux acteurs du changement. La seconde pour laquelle tout en appliquant les mécanismes qui régissent la logique de marché capitaliste, il est nécessaire de mettre en commun l’expertise des entreprises sociales d’une part et des financeurs privés d’autre part, afin de combler le déficit de l’État providence et de mieux répondre aux besoins sociaux des citoyens.

Pour Jean-François Drapery, Directeur du Centre d’économie sociale Travail et société (CESTES) au CNAM et rédacteur en chef de la Revue internationale de l’économie sociale (Recma), le principal point faible de l’économie sociale est son manque de communication dans un projet politique commun. Dans la pratique, de nombreuses entreprises de l’économie sociale n’ont pas pour objectif principal de changer le modèle économique et social actuel. Cela s’explique par les contraintes quotidiennes rencontrées pour maintenir l’équilibre financier, créer des emplois et fournir des services de qualité, ce qui les amènent à modifier leurs priorités. Notamment à recourir à d’autres moyens de financements, mixtes (privés/publics), pour résoudre leurs impératifs immédiats.

Par ailleurs, au sein même de ces structures les employés ou bénéficiaires n’ont pas conscience qu’ils produisent ou consomment dans une entreprise « différente ». En effet, l’hétérogénéité des entreprises sociales amène nombre d’entre elles à ne pas se reconnaître dans le mouvement politique et économique de l’économie sociale et donc à ne pas afficher et communiquer leurs différences.

Pour certains l’économie sociale et l’entrepreneuriat social sont des concepts opposés, qu’il ne faut pas confondre au risque de trahir la vocation première de l’entreprise sociale. Pour d’autres, en créant des liens, des débats et des synergies, ces deux courants peuvent se compléter et se renforcer, permettant ainsi à l’entrepreneuriat social de constituer une porte d’entrée vers l’économie sociale.

 

Définitions

-      Coopératives : forme d’entreprise fondée sur le principe de la coopération qui a pour objectif de servir au mieux les intérêts économiques de ses participants (sociétaires ou adhérents).

-      Mutuelles : organismes – personnes morales de droit privé – à but non lucratif qui ont pour vocation d’organiser pour et avec leurs adhérents, les réponses aux besoins sociaux qu’ils expriment.

-      Fondations : personne morale de droit privé à but non lucratif créée par un ou plusieurs donateurs, eux-mêmes pouvant être des personnes physiques ou morales, pour accomplir une œuvre d’intérêt général.

 

Citation

Lucia Lizarcarburu (BSI-Economics), économiste aux Nations-Unies « Economie Sociale et Solidaire (ESS) : enjeux actuels d'un secteur en plein essor », analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 20/01/2015.