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11 juin 2013
La commission européenne a récemment décidé d'augmenter les droits de douanes sur les importations de panneaux photovoltaïques en provenance de Chine. Pékin a engagé en retour des mesures de rétorsions à l'encontre de l'Union Européenne (UE) concernant les importations de vin. Toutes ces mesures procèdent d'un long processus de tensions commerciales accrues entre la Chine et l'UE. Les évènements actuels soulignent une étape supplémentaire vers une guerre commerciale car cette fois, les actes accompagnent les mots. En plus de faire apparaître des tensions vives entre les deux zones économiques, ces évènements mettent en évidence des faiblesses politiques de l'UE et des intérêts divergents profonds, sur fond d'enjeux géostratégiques.
Long processus de tensions commerciales qui débouchent sur des mesures protectionnistes
Les mesures protectionnistes prises actuellement à la fois en Europe et en Chine, doivent se comprendre dans un long processus d'accumulation de conflits commerciaux : taxe sur le CO² dans le secteur aérien, équipements de télécommunications, chimie, acier, panneaux solaires, vin et spiritueux, et tout dernièrement, les berlines de grosse cylindrée, etc.
Après avoir proposé de taxer les importations de panneaux solaires en provenance de Chine (voir décryptage), la Commission Européenne (CE) est finalement passée aux actes. En effet, depuis le 6 juin 2013, les importations de panneaux solaires chinois doivent supporter une hausse des droits de douanes (voir définition) de 11,8%. La mesure est temporaire (six mois) et progressive car elle pourrait passer à 47% dès août 2013 si la Chine n'infléchit pas sa position. Les Etats membres de l'UE doivent voter en décembre 2013 pour savoir si ces mesures seront reconduites pour une période de cinq ans.
L'idée de cette taxe est née de la volonté de la CE de protéger l'industrie photovoltaïque européenne dont la survie est menacée pas le dumping des industriels chinois. En effet, la Chine donne des aides d'Etat en finançant cette industrie avec des prêts massifs octroyés par des grandes banques publiques à des taux modiques, et qui annulent les créances, le cas échéant si nécessaire. En pratique, cela signifie que les entreprises chinoises peuvent vendre des panneaux solaires à perte car l'Etat chinois vient compenser ces pertes : ce qui est une mesure totalement proscrite dans les règlements des échanges internationaux.
Selon les estimations, sans ces aides d'état, les produits chinois en question seraient de 90% à 110% plus chers. L'objectif est d'annihiler la concurrence des pays compétiteurs pour gagner des parts de marché, imposer les produits chinois et ensuite augmenter les prix une fois que le marché est acquis. L'Europe importe actuellement pour 21 milliards d'euros de panneaux solaires en provenance de Chine. Pékin est le premier producteur mondial dans cette industrie et 80% de sa production s'écoule en Europe. Potentiellement, la destruction des emplois européens dans cette industrie concerne près de 30'000 personnes.
La Chine a vivement réagi à cette hausse des droits de douanes en décidant de lancer une procédure anti-dumping contre les importations de vins en provenance d'Europe. Les producteurs européens sont accusés de bénéficier de subventions octroyées par l'UE et les différents pays concernés, engendrant une concurrence déloyale vis-à-vis des producteurs de vins chinois. La Chine vise essentiellement la France avec cette mesure. En effet, la Chine importe pour environ 1 milliard de dollars par an de vin, dont 800 millions proviennent de France. La Chine est par ailleurs le troisième marché d'exportation de la France. Les vins français supportent déjà des droits de douanes très élevés en Chine. Une nouvelle hausse mettrait en danger un secteur d'activité français qui représente près de 500'000 personnes et qui est un des rares postes excédentaire dans la balance commerciale (voir définition).
Un contexte qui souligne des faiblesses structurelles et politiques au sein de l'UE
La Chine se permet de faire peser des menaces sur l'UE et de développer ce genre de stratégies car elle sait que l'UE n'est pas une entité unie. En effet, étant donné le poids économique global de l'UE, la Chine aurait trop peur des mesures de représailles que l'Europe pourrait développer à son égard. Mais comme ce poids économique n'a pas de pendant politique, la Chine peut aisément jouer des divergences internes à la zone euro.
En effet, toutes ces mesures interviennent dans un contexte d'un solde de la balance commerciale déficitaire (importations supérieures aux exportations). En effet, en 2012, l'UE présente un déficit commercial de -146 milliards d'euros vis-à-vis de la Chine (voir graphique ci-dessus). Une partie des pays européens envisage cette situation comme le résultat d'échanges commerciaux biaisés et auxquels des mesures protectionnistes peuvent amener une réponse. Néanmoins, cette position n'est pas partagée par l'ensemble des pays formant l'UE et deux groupes distincts de pays coexistent dans une même structure alors que leurs intérêts et positions sur la question chinoise sont différents :
1) Il y a d'une part les pays d'Europe du Nord avec notamment l'Allemagne, le Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), l'Autriche et la Finlande qui sont des pays très industrialisés. Ils se satisfont parfaitement d'un euro "fort" et arrivent à réaliser des excédents commerciaux. L'Allemagne peut typiquement supporter la destruction du marché des panneaux solaires car en contrepartie elle peut vendre des automobiles et des machines-outils à la Chine.
2) D'autre part, il y a les pays d'Europe du Sud avec notamment la France, la Grèce, l'Italie, le Portugal et l'Espagne qui se sont fortement désindustrialisés. Dès lors, pour eux, il est compliqué d'être compétitif avec un taux de change élevé étant donné la structure de leur économie. En effet, ces pays ont des secteurs de services très développés supérieurs à 50% de leurs économies. Or, au niveau mondial, les principaux pays exportateurs (hors matières premières et énergie) exportent des produits industriels. Dès lors, si l'industrie d'un pays n'est pas suffisamment développée et compétitive, il devient difficile de réaliser des excédents commerciaux.
Le manque d'unité politique fait donc suite à des divergences d'intérêts économiques. Dès lors, la Chine peut développer des stratégies commerciales agressives vis-à-vis de l'Europe sans avoir peur qu'elle ne lui interdise son marché. La Chine a tenté cette stratégie avec les Etats-Unis mais ces derniers ont réagi de façon uniforme en imposant des droits de douanes pouvant aller jusqu'à +250% sur les panneaux photovoltaïques.
Le fait que la France soit un des principaux pays favorable à cette mesure explique d'ailleurs largement pourquoi les mesures anti-dumping visent les importations de vins et spiritueux. Inversement, le fait que l'Allemagne qui s'est exprimée contre la perspective d'une taxe définitive à l'encontre des importations chinoises de panneaux solaires s'explique largement car le pays a exporté pour 70 milliards d'euros en 2012.
Notons cependant que Pékin vient tout récemment de menacer de taxer les importations de voitures haute gamme. L'Allemagne est le pays visé par cette menace car c'est le premier exportateur mondial de berlines de luxe, et ce même si Berlin s'était opposé à la perspective d'une taxation des panneaux solaires chinois. Il est probable que la menace chinoise contre l'Allemagne soit une manière de lui rappeler ses engagement et l'importance du marché chinois afin que l'Allemagne confirme sa position en décembre prochain lors du vote pour savoir si les mesures cotre la Chine sont prolongées ou non.
Au final, il y a peu de chance que tous ces évènements se transforment en réelle guerre commerciale. En effet, les deux zones économiques sont essentielles l'une pour l'autre. Dès lors, toutes ces mesures doivent se comprendre comme une manière d'augmenter la pression jusqu'aux négociations afin d'arriver en position de force. Dans le cas inverse, alors les conséquences pourraient être catastrophiques car la fermeture des échanges se traduit toujours pas une diminution de la prospérité économique des pays concernés. De plus, dans un contexte de crise globale, ralentir ou "casser" le commerce mondial annulerait les chances d'une reprise économique mondiale.
Citation
Sylvain Fontan, “Les prémices d'une guerre commerciale entre l'UE et la Chine”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 11/06/2013.