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Les non-dits du "New deal" en faveur de la lutte contre le chômage des jeunes en Europe

12 juin 2013

L'union européenne a récemment annoncé son intention de mettre en œuvre une initiative franco-allemande pour lutter contre le chômage des jeunes. Le but officiel est de trouver une solution de court terme face au chômage d'une population particulièrement touchée par la crise globale avec près d'un jeune sur deux sans emploi en Europe. Si l'idée peut paraître séduisante, il n'en demeure pas moins que les mesures, qui restent encore à entériner, ne sont pas à la hauteur d'un problème beaucoup plus global, et que les arrières pensées politiques et économiques sont la principale raison de cette initiative. 

Taux de chômage des jeunes en Europe : Allemagne, Autriche, France, Portugal, Italie, Espagne, Grèce

 

Une initiative dont les effets pratiques seraient marginaux

Le plan dont il est question a été présenté fin mai, il sera discuté fin juin et devrait être officialisé début juillet 2013. La France et l'Allemagne présentent cette initiative commune comme un "New Deal" pour la jeunesse, en référence au New Deal de Franklin Delano Roosevelt lancé au début des années 1930 aux Etats-Unis pour sortir de la crise dans laquelle son pays était alors plongé. Néanmoins, il convient de noter que si cette initiative porte le même nom, l'ambition et la portée sont bien moindres.

L'idée de la proposition est que tous les jeunes de moins de 25 ans puissent bénéficier d'une formation permanente, d'un stage ou d'un contrat d'apprentissage dans les quatre mois suivant la sortie de l'enseignement ou de la perte d'un emploi. Le financement de cette mesure sera réalisé à l'aide d'un fonds de 6 milliards d'euros. La somme peut paraître importante mais elle représente 0,005% du PIB (voir définition) européen et devrait concerner l'ensemble des jeunes européens âgés de moins de 25 ans. Actuellement, il y a près de 6 millions de jeunes au chômage en Union Européenne, auxquels il convient d'ajouter 14 millions de jeunes sans travail et qui ne suivent pas d'études ou d'apprentissage. De plus, le montant annoncé serait étalé d'ici 2020. Dès lors, si cette initiative devait voir le jour, elle représenterait environ 160 euros par jeune et par année. Enfin, il faut rappeler que cette somme proviendrait du contribuable européen. Même si les montants sont empruntés, ce sera tout de même le contribuable qui sera mis à contribution car il faudra, à terme, rembourser cette somme.

Un chômage des jeunes en réalité fortement lié à un marché du travail problématique

Le chômage des jeunes le plus bas en Europe se trouve en Allemagne et en Autriche avec un taux de 7,6% dans ces deux pays. Inversement le chômage des jeunes le plus élevé se trouve en Grèce avec 62,5%, suivi de l'Espagne (56,4%), de l'Italie (45%) et du Portugal (42,5%). Les jeunes français subissent quant à eux un chômage générationnel de 26,5% (voir graphique ci-dessus). Dès lors, l'idée selon laquelle il faut lutter en priorité contre le chômage des jeunes semble justifiée.

Toutefois, il apparaît que cette idée, sans être fausse, ne reflète pas la réalité d'une situation plus complexe. En effet, le chômage des jeunes est fortement corrélé au chômage global de la population active (voir définition). Autrement dit, plus le chômage augmente, plus le chômage des jeunes augmente également. Au final, à de rares exceptions telle que l'Allemagne, la situation concernant le chômage dans la majeure partie des pays européen est la suivante : le chômage des jeunes évolue avec le chômage global de façon très sensible. Quand le chômage global augmente, le chômage des jeunes augmente encore plus rapidement, et inversement, quand le chômage global diminue, le chômage des jeunes diminue encore plus rapidement. En pratique, cela signifie que pour lutter contre le chômage des jeunes, la meilleure solution consiste à lutter en réalité contre le chômage global.

Le chômage des jeunes augmente proportionnellement plus que le chômage global car les employeurs ont tendance à ne pas les embaucher car ils coutent trop cher comparativement à leur productivité (voir définition), à fortiori en période de crise. Le coût élevé de l'embauche d'un jeune provient directement des problèmes liés au marché du travail en général (voir bulletin). En effet, (1) la formation est déconnectée des besoins du marché du travail, (2) il y a des salaires minimums et des coûts du travail trop élevés, et enfin (3) une dualité du marché du travail qui instaure un système où certains emplois sont surprotégés pendant que les autres sont précarisés. Dans le cas des jeunes qui arrivent sur le marché du travail cela se traduit par : des formations qui ne sont pas en adéquation avec les attentes de l'employeur, une expérience trop faible ne permettant pas de justifier pour un employeur d'engager des coûts obligatoires très élevés et enfin des emplois protégés et occupés dont les jeunes sont exclus.

Une solution efficace serait de ne plus avoir de salaire minimum imposé, mais que ce dernier soit négocié dans chaque branche d'activité afin qu'il s'adapte aux besoins particuliers. Une autre solution intermédiaire serait de mettre en place un système de "SMIC" jeune où les jeunes pourraient intégrer le marché du travail et acquérir de l'expérience, sans que cela ne coûte trop cher à un employeur au regard de l'apport limité du jeune dans l'activité. Néanmoins, cette vision est à l'opposé de la vision française notamment, qui envisage le salaire minimum comme inamovible et qui doit être élevé, à l'inverse de la vision allemande. Dès lors, on comprend mieux pourquoi deux visions totalement opposées accouchent d'une formule qui évite de mettre en place un modèle commun, qui serait pourtant nécessaire au marché du travail européen.

Des enjeux politiques de court terme avant des considérations économiques pratiques

Contrairement à l'objectif annoncé de lutter contre le chômage des jeunes sur lequel cette initiative sera au mieux marginale comme nous venons de le démontrer, il convient de s'interroger sur les réelles causes et objectifs de cette proposition. Il apparaît que les raisons sont davantage politiques de part et d'autre du Rhin, et qu'elles révèlent en plus un moyen pour l'Allemagne d'attirer de la main d'œuvre qualifiée et bon marché dans son pays pour faire face à la diminution annoncée de sa population active.

L'initiative franco-allemande officiellement en faveur de la lutte contre le chômage des jeunes est née d'un compromis politique, tacite ou non, entre les deux pays dont les termes peuvent être résumés comme ceci :

  • La France, par l'intermédiaire de son président de la République Françoise Hollande, répète depuis plus d'un an qu'il veut réorienter l'Europe vers plus de croissance et qu'il souhaite axer ses efforts en faveur de la jeunesse. Dès lors, une telle initiative permet de donner l'impression à sa population qu'il a obtenu quelque chose de l'Allemagne.
  • Du côté de l'Allemagne, l'objectif politique est de donner l'impression de faire un geste en faveur des jeunes et de revenir un peu sur le mouvement d'austérité dont le pays a été le plus fervent défenseur. Etant donné que les pays les plus touchés par le chômage des jeunes sont également les pays qui ont le plus mis en place l'austérité, cela revient à améliorer l'image de la nation qui est souvent considérée comme le "bourreau" des pays touchés par l'austérité.

L'Allemagne voit dans cette mesure une partie de la solution à ses problèmes futurs

Alors que la France profitera de cette mesure qu'à court terme et sur un plan politique essentiellement, la vision de l'Allemagne est beaucoup plus avancée. En effet, le pays fait face à une diminution rapide de sa démographie, qui va très vite se répercuter sur sa population active, préfigurant ainsi de difficultés structurelles majeures auxquelles ces mesures peuvent apporter une partie de la solution.

Une des caractéristiques principales de l'Allemagne est d'être un pays avec une population âgée. Le fait d'être un pays à population âgée implique d'être plus que d'autres confronté à des problématiques de financement des retraites et de pénuries de main d'œuvre. Dès lors, cette mesure de "New Deal" pour les jeunes peut aider à faire face à ces problématiques. En effet, l'Allemagne veut ainsi attirer les jeunes qualifiés et bon marché du Sud de l'Europe pour faire fonctionner son industrie manufacturière et financer ses futures retraites. L'Allemagne utiliserait donc des financements européens pour former des jeunes qui viendront s'employer essentiellement dans les usines allemandes car c'est là que se trouve le travail et les perspectives économiques les plus attrayantes.

Conclusion

Au final, la France a obtenu un avantage politique intérieur dont le gouvernement pourra se prévaloir face à sa population, en échange que l'Allemagne puisse redorer son image de marque et obtenir un avantage économique dans la perspective de la baisse de sa population active, le tout en donnant l'impression que malgré les "malentendus" apparents, la collaboration entre les deux pays continue.  La seule avancée globale positive de tout cela est donc le fait que les deux pays collaborent et réfléchissent ensemble à l'avenir de l'Europe.

Citation

Sylvain Fontan, “Les non-dits du "New deal" en faveur de de la lutte contre le chômage des jeunes en Europe”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 12/06/2013.