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Opportunité et objectifs d'une relance budgétaire en Allemagne

2 juillet 2013

A trois mois des élections fédérales allemandes qui auront lieu le 22 septembre prochain, la chancelière Angela Merkel a récemment indiqué vouloir développer une relance budgétaire si elle était réélue. Bien que les objectifs politiques et électoralistes soient évidents, il n'en demeure pas moins que l'intérêt économique n'est pas dénué de sens dans une vision de moyen et long terme, eu égard à la situation de sous-investissement chronique de l'Allemagne. Toutefois, il apparaît que la possibilité d'une telle relance soit en réalité assez ténue et qu'elle s'avère oubliée rapidement.

Evolution du solde budgétaire de l'Allemagne depuis 2000

 

Retour de la croissance en Europe fortement contrainte

La première puissance économique de la Zone Euro et de l'Union Européenne pourrait entamer une évolution dans sa stratégie économique. Les échéances électorales sont probablement pour partie à l'origine de cette possibilité, mais d'autres considérations sont à prendre en compte. Tout cela doit se comprendre dans un contexte particulier où la zone euro est la seule grande zone géographique mondiale sans croissance, et où le débat concernant la politique d'austérité est de plus en plus prégnant. Dans ce cadre, la possible relance allemande dans un environnement européen d'austérité quasi généralisée, introduit le développement d'une réflexion quant au rôle potentiel de l'Allemagne dans la consolidation de la situation économique en Europe, afin notamment d'éviter une crise de l'Euro qui pourrait s'avérer catastrophique.

L'idée de base est que l'Europe ne pourra sortir de la situation dans laquelle elle se trouve plongée que si la croissance économique revient. L'assainissement des finances publiques et le lancement de réformes structurelles dans plusieurs pays européens devraient permettre de créer les conditions d'un retour de la croissance dans l'avenir. Néanmoins, à court terme, une absence de croissance pourrait s'avérer délétère et hypothéquer les efforts actuels. Dès lors, le retour de la croissance ne peut provenir que de deux sources, soit de l'extérieur ou soit de l'intérieur de l'Europe.

Il est probable que la croissance économique ne pourra pas provenir de l'extérieur de l'Europe à court terme. En effet, l'économie américaine donne des signes de reprise, mais la nature de cette reprise ne semble pas se traduire par une hausse de la demande adressée à l'Europe. De plus, la Chine commence également à montrer des signes de ralentissement et entame une réorientation de son activité vers son marché intérieur. Plus largement, l'ensemble des économies dites "émergentes" montrent aussi des signes de ralentissement économique.

En Europe, il y a très peu de pays qui peuvent effectuer une politique susceptible de relancer rapidement la croissance étant donné la situation de nombreux pays européens : engagements pris sur le plan budgétaire, manque de crédibilité économique et politique, ou encore le relatif faible poids dans l'économie européenne. Dans ce cadre, seule l'Allemagne peut influer individuellement et à court terme sur le dynamisme économique du continent européen. En effet, l'Allemagne présente à la fois les caractéristiques d'un pays avec des marges de manœuvres budgétaires, une crédibilité économique et politique, et enfin un poids économique suffisant pour impacter significativement l'économie du continent et espérer enclencher un cercle vertueux. Enfin, malgré de bons fondamentaux économiques, l'économie allemande commence également à souffrir d'un environnement international contracté au niveau des échanges. Dès lors, relancer l'économie allemande pourrait également servir à relancer l'économie européenne.

Situation de sous-investissement créant des faiblesses pour l'avenir

L'Allemagne a une propension à épargner élevée. Autrement dit, les allemands épargnent beaucoup et dépensent relativement moins. De plus, une large partie de l'épargne issue de l'accumulation des excédents extérieurs n'est pas investie en Allemagne mais à l'étranger. Elle ne sert donc pas à investir dans l'économie nationale. De plus, le retour sur investissement de cette épargne placée à l'étranger est globalement mauvais car l'Allemagne a perdu ainsi près de 400 milliards d'euros au cours des 10 dernières années au travers des différents placements à l'étranger.

En parallèle, l'Allemagne présente un besoin d'investissement très important. L'investissement, privé comme public, diminue régulièrement tous les ans et aboutit à une situation de sous-investissement qui fait peser des risques sur la croissance potentielle du pays à moyen et long terme. En effet, le niveau d'investissement d'un pays détermine très largement la croissance moyenne envisageable. Dans ce cadre, il apparaît que l'Allemagne souffre d'un déficit d'investissement dans des domaines clefs d'avenir tels que les infrastructures, l'énergie, l'éducation ou encore les équipements industriels. A titre d'exemple, l'Allemagne dépense en moyenne moins que les autres pays de l'Union Européenne, et 20% de ses autoroutes et 40% de ses routes nécessiteraient des réparations.

Au niveau des infrastructures, il apparaît que nombre de routes, ponts, autoroutes et canaux aient été négligés dans leur maintenance. Concernant l'éducation, et compte tenu des contraintes démographiques qui vont peser à terme sur l'Allemagne, la formation d'une main d'œuvre de plus en plus qualifiée est un enjeu majeur pour l'avenir. L'investissement dans les équipements industriels est fondamental pour permettre de continuer à exporter des produits de qualité et innovants dans les années à venir. Enfin, concernant le domaine énergétique, l'articulation entre production et consommation est fondamentale mais des lacunes importantes existent (voir décryptage). Notons cependant qu'augmenter les investissements dans ces domaines n'implique pas que ce soit uniquement la sphère publique qui s'en charge et que le secteur privé peut également y prendre sa part.

Le retard d'investissement de l'Allemagne est estimé à 75 milliards d'euros par an au cours des dernières décennies, soit 3% du PIB par an. Or, le plan dont il serait question ne s'élèverait qu'à 30 milliards d'euros et sur des domaines pas nécessairement liés à l'investissement (hausse des allocations familiales, complémentaires retraites, introduction d'un salaire minimum de branche...). Dès lors, au niveau européen, cela ne représente pas des montants susceptibles de s'apparenter à un plan de relance européen. Toutefois, même si ce n'est pas un plan de relance en soit, il permettrait de stimuler la demande intérieure allemande, et ainsi pourrait dynamiser les autres pays européens où les débouchés domestiques sont contraints par des politiques restrictives. L'hypothèse derrière cela est que la hausse de la demande allemande se traduise par une augmentation des importations en provenance de ses partenaires commerciaux traditionnels, à savoir les pays européens. Or, pour que ces pays en profitent, il faut qu'ils aient en amont réalisé des réformes susceptibles d'améliorer la compétitivité de leurs produits. Dans ce cadre, si la France devait bénéficier de cette augmentation de la demande allemande, ce bénéfice serait probablement marginal et profiterait davantage à des pays tels que l'Espagne ou l'Italie qui ont considérablement amélioré leurs compétitivités au cours des dernières années (voir décryptage).

Relance budgétaire possible mais probabilité limitée

L'Allemagne épargne actuellement 8% de son PIB annuel. Il existe donc des ressources importantes pour réaliser ces investissements. Evidemment, ces ressources sont principalement privées et une part importante n'est pas investie dans le pays. Or, comme nous l'avons vu précédemment, les investissements en dehors du pays se sont jusque-là avérés très négatifs en terme de retour sur investissement. Dès lors, drainer l'épargne de sorte à ce qu'elle reste en Allemagne permettrait de répondre aux besoins d'investissements mais aussi de limiter le risque de perte comme observé jusqu'à présent concernant le placement de l'épargne à l'étranger. Ainsi, l'Allemagne pourrait mettre en place des partenariats publics-privés afin de partager les coûts et les bénéfices.

Le solde public allemand permet d'envisager une relance budgétaire (voir graphique ci-dessus). En effet, le pays présente un équilibre budgétaire là où plusieurs pays présentent des déficits élevés, voire très élevés. Dès lors, l'Allemagne peut envisager d'utiliser une partie du potentiel d'excédent qu'elle pourra réaliser au cours des prochaines années, non pas pour diminuer le poids de sa dette, mais pour stimuler l'investissement domestique. Le but serait de moderniser les infrastructures et préparer les conditions d'une croissance plus élevée dans le futur. L'augmentation de la croissance pourra alors permettre de diminuer le poids de la dette.

Toutefois, si tous ces éléments peuvent être souhaitables pour l'Allemagne et les pays qui auront fait les efforts préalables pour bénéficier des avantages venus d'Allemagne,  il ne faut pas oublier le caractère purement politique. En effet, les périodes de campagnes électorales sont généralement propices à ce genre de discours, mais la réalité est généralement différente. De plus, le plan de relance dont il est question pour le moment ne fait pas explicitement référence à une relance des investissements, mais plutôt à une relance de la consommation. Sous certains aspects, investissement et consommation pourraient se rejoindre mais les effets et la pertinence des deux ne sont pas similaires. Enfin, un élément qui peut paraître un détail, mais qui en réalité pourrait tout changer, est l'objectif de déficit maximal de 0,35% du PIB dès 2016 que l'Allemagne s'est fixé. Autrement dit, si la croissance ne devait pas être suffisante en Allemagne, alors les marges de manœuvres publiques pour entamer un développement des investissements seraient plus tenues, voire inexistantes et les paroles de campagnes deviendront lettres mortes.

Citation

Sylvain Fontan, “Opportunité et objectifs d'une relance budgétaire en l'Allemagne”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 02/07/2013.