"La première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation monétaire, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux sont le refuge des opportunistes économiques et politiques" - Ernest HEMINGWAY
"La propriété est un droit antérieur à la loi, puisque la loi n'aurait pour objet que de garantir la propriété" - Frédéric BASTIAT
"Le capitalisme constitue par nature, un type ou une méthode de transformation économique, et non seulement il n’est jamais stationnaire, mais il ne pourrait le devenir. Ce processus de destruction créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme" - Joseph SCHUMPETER
"Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire. Car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin. " - Henry FORD
"N'acceptez ni les vérités d'évidence, ni les illusions dangereuses" - Maurice ALLAIS
"C'est uniquement parce que nous sommes libres dans le choix de nos moyens que nous sommes aussi libres dans le choix de nos fins. La liberté économique est par conséquent une condition indispensable de toute autre liberté" - Friedrich HAYEK
"Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice." - MONTESQUIEU
"L'impôt tue l'impôt" - Arthur LAFFER
"Les hommes n'étant pas dotés des mêmes capacités, s'ils sont libres, ils ne sont pas égaux, et s'ils sont égaux, c'est qu'ils ne sont pas libres" - Alexandre SOLJENITSYNE
"A long terme nous seront tous morts" - John Maynard KEYNES
6 août 2013
Après une croissance économique moyenne d'environ +10% par an au cours des 20 dernières années, la Chine voit son rythme d'accumulation de richesses ralentir. Les signaux sont nombreux et les implications dépassent le cadre purement national de la Chine.
Une situation moins favorable que par le passé
Alors que la Chine s'était habituée à une croissance très élevée au cours des années 2000, les années 2010 s'annoncent moins favorables. En effet, même si la croissance reste élevée dans l'absolu (entre +7% et +8%), d'un point de vue relatif elle est modestes pour un pays comme la Chine. Plus qu'un niveau ponctuellement bas, c'est la confirmation d'un rythme de long terme moins élevé et une tendance à la baisse qui inquiète les autorités chinoises. En effet, alors que les premiers signes de ralentissement pouvaient être attribués à la crise globale, la confirmation trimestre après trimestre du ralentissement économique (voir graphique ci-dessus) indique que le pays doit s'habituer à connaître des taux de croissance plus faibles pour les années à venir, et que des taux supérieurs à +10% par an semblent maintenant devoir faire partie du passé.
Les signes de ce ralentissement sont nombreux. En effet, au-delà des chiffres macroéconomiques liés à la croissance du PIB (Produit Intérieur Brut), plusieurs statistiques sont venues confirmer le ralentissement en cours. Les chiffres concernant les investissements en infrastructures, les exportations et les excédents commerciaux, ainsi que la production industrielle sont tous moins positifs qu'auparavant. Tout cela est cohérent avec la baisse de la demande extérieure émanant des pays développés notamment, ainsi que compte tenu du stress récent sur les marchés interbancaires chinois qui ont entrainé une raréfaction du crédit. Un des indicateurs particulièrement suivi est l'indice manufacturier chinois (le PMI calculé par la banque HSBC). Il indique un fort recul de la production manufacturière qui s'élève à 47,7 (un record depuis près de un an). Un indice de 50 signifie que la production manufacturière est restée parfaitement stable. Un indice inférieur à 50 traduit un ralentissement industriel.
Une compétitivité de plus en plus menacée qui complique les perspectives
Plusieurs tendances structurelles viennent attester du fait que la Chine commence à perdre de son avantage compétitif. En effet, l'avantage salarial de la Chine s'érode d'année en année. Il est vrai que le coût salarial horaire ne représente qu'environ 5% du salaire moyen d'un travailleur américain ou européen, mais les salaires chinois augmentent rapidement. De plus, des éléments viennent atténuer cet avantage apparent :
Un des effets de cette perte relative de compétitivité est l'émergence de nouveaux concurrents. En effet, plusieurs pays périphériques (Vietnam, Laos, Cambodge...) commencent à poser un réel problème à la Chine. Tous ces pays présentent la particularité d'être spécialisés dans des industries fortement intensives en main d'œuvre, tout comme la Chine. Plusieurs exemples viennent attester de cette diminution des parts de marché de la Chine. Alors que la majeure partie des jouets importés aux Etats-Unis proviennent de Chine, la croissance des importations chinoises stagne quand parallèlement les produits venant de ces pays périphériques progressent fortement.
La Chine doit donc commencer à réorienter sa production vers les secteurs à forte intensité en capital. Les secteurs à forte intensité en capital (machines) sont généralement les secteurs les plus générateurs de valeur ajoutée (richesse nette produite). Toutefois, la Chine doit faire face à plusieurs éléments qui viennent compliquer cette montée en gamme. En effet, le pays se trouve en concurrence directe avec des producteurs issus des pays développés dont les produits sont certes plus chers mais dont l'expertise est prouvée, la notoriété faite et qui sont déjà installés sur les différents marchés mondiaux. De plus, la Chine doit faire face à des dévaluations (perte de valeur organisée par les autorités monétaires) de plusieurs monnaies concurrentes (le Yen au Japon et le dollar au Etats-Unis). A ce titre, le Taux de Change Effectif Réel (TCER) du Yuan, autrement dit le taux de change corrigé de l'inflation et de la structure des exportations chinoises, augmente et pénalise ainsi la compétitivité des exportations. Même si ces différents éléments n'apparaissent pas encore énormément au niveau de la balance commerciale (différence entre les exportations et les importations) qui frôle les records de 2008-2009 sur les 12 derniers mois, les produits chinois peinent désormais à accroître la pénétration de plusieurs marchés étrangers (Etats-Unis et Allemagne notamment).
Difficultés à appréhender les statistiques officielles
Il convient de relativiser les chiffres publiés par le NBS chinois (Bureau National des Statistiques). En effet, toutes les données statistiques fournies par le NBS sont de sources officielles et difficilement vérifiables. De façon très pragmatique, ces données attestent en réalité la volonté du parti communiste chinois à communiquer sur de mauvais chiffres. Le fait que ces chiffres soient mauvais, qu'ils soient difficilement vérifiables, et enfin qu'ils soient conditionnés à une volonté politique de communiquer à leurs sujets, induit deux conséquences. Tout d'abord, (1) c'est l'aveu que l'érosion d'année en année de la croissance économique de la première économie émergente est bien une réalité, ensuite (2) il est probable que les chiffres soient plus mauvais, et enfin (3) la décélération observée a probablement débuté plus tôt que les statistiques officielles ne le laissent penser.
Plusieurs éléments viennent plaider pour que les statistiques officielles soient prises avec recul :
Malgré les faiblesses des chiffres officiels, ils restent les seuls disponibles. En effet, même si plusieurs éléments soulignent que les statistiques chinoises sont soumises à des biais, il n'en demeure pas moins que ce sont les seules disponibles. De plus, même si elles peuvent être remises en cause quant à leur capacité à caractériser de façon exacte une situation à un moment donné, elles permettent de souligner une dynamique qui correspond assez fidèlement à la réalité. Enfin, notons que les statistiques émanant des autorités chinoises sont plus fiables que dans plusieurs autres pays, notamment l'Inde. En effet, la Chine a hérité d'une certaine manière de son passé planificateur. Dès lors, le pays bénéficie d'une certaine expertise dans le suivi de la production industrielle.
Implications et risques
Le ralentissement de la Chine est une menace pour la Chine elle-même. Alors que les autorités ont annoncé un objectif de +7,5% de croissance en 2013, les résultats devraient finalement se révéler inférieurs. Certaines projections font même état d'une croissance de "seulement" +6,5%. Si cet objectif apparaît néanmoins relativement élevé, il n'en demeure pas moins que ce serait la croissance la moins faible observée en Chine depuis plus de 20 ans. De plus, ce niveau constitue un seuil critique en matière de stabilité sociale, mais surtout renvoie aux promesses effectuées lors du 18ème congrès du parti communiste chinois en novembre 2012 qui prévoyait de doubler le revenu par habitant d'ici 2020. Or, cet objectif n'est atteignable que si la croissance est durablement supérieure à +7% annuellement.
L'économie chinoise se trouve confrontée aux limites de son modèle. En effet, le modèle de croissance chinois qui a prévalu jusqu'à maintenant repose fondamentalement sur l'importation de matières premières destinées à être transformer, pour ensuite fabriquer des produits manufacturés relativement basiques, et exporter ces derniers vers ses partenaires commerciaux européens, américains et asiatiques afin d'accumuler des devises. En ce sens, le modèle chinois est très mercantiliste. Toutefois, ce modèle soulève l'extrême dépendance de la Chine aux marchés extérieurs. Si ces derniers viennent à faiblir, la demande de produits manufacturés adressée à la Chine diminue et l'activité économique chinoise s'en ressent. La situation à laquelle la Chine se trouve confrontée reflète bien ce dilemme.
L'objectif de la Chine depuis plusieurs années est de maintenir un taux de croissance entre +7% et +10% par an. Afin d'atteindre ces taux de croissance, la Chine a principalement augmenté la part de ses investissements publics dans le PIB, ce qui traduit un volontarisme de l'Etat pour soutenir la croissance, mais ce qui souligne également le caractère "artificiel" de la croissance. En effet, depuis 10 ans, la part de la consommation et des exportations dans le taux de croissance ne cesse de diminuer alors que les investissements représentent plus de 60% de la croissance chinoise. Autrement dit, environ deux tiers de la croissance chinoise est liée aux investissements publics. Or, ce niveau est un record mondial dans l'histoire économique. Jusque-là, le niveau le plus haut des investissements publics dans la croissance revenait Taïwan avec une contribution de 30%.
La Chine va devoir développer une nouvelle politique. Il apparaît que la possibilité d'augmenter encore cette part est très limitée. Quoi qu'il en soit, les autorités ne pourront pas augmenter à l'infini les investissements publics et le niveau actuel ne pourra pas être maintenu Ad vitam æternam. Un rééquilibrage de la croissance vers la consommation intérieure semble obligé mais les risques inhérents à ce dernier sont importants : tensions inflationnistes, problèmes sociaux... Un autre élément qui vient plaider pour un rééquilibrage intérieur est la démographie chinoise. Jusqu’à présent, l’afflux de travailleurs venus de la campagne a justifié la hausse continue des investissements dans l’industrie. Lorsque cet afflux cesse et que l’embauche de nouveaux salariés ne peut se faire qu’au prix d’une hausse des salaires comme actuellement, un phénomène de retournement apparaît. En Chine, la politique de l’enfant unique renforce cette contrainte: l’afflux de travailleurs ruraux a commencé à se réduire après 2010 et devrait cesser dans les années à venir. Dans ce contexte, la population active chinoise commencera à diminuer.
Un freinage brutal de la croissance chinoise n'est pas inenvisageable. S'il est toujours difficile de prévoir l'avenir, il est toujours possible d'émettre des hypothèses. Dans ce cadre, il apparaît que sous certaines conditions, la croissance chinoise pourrait brutalement s'effondrer, même si dans le cas de la Chine cela voudrait dire une croissance annuelle comprise en +3% et +4%. Pour qu'un tel scénario se réalise il faudrait que :
1) le passage d'une économie basée sur la demande extérieure et les investissements publics, vers une économie réorientée sur la consommation intérieure ne se passe pas bien. La Chine représente certes un marché potentiel futur de 1,3 milliards de consommateurs, mais avant que les surcapacités de productions chinoises convergent avec cette demande potentielle, il pourrait s'écouler entre 10 et 20 ans au moins, donc beaucoup trop pour envisager un modèle alternatif à court terme.
2) Parallèlement, la Chine fait toujours face à une bulle immobilière. Le schéma est le même que dans les pays où ces bulles ont eu des effets délétères (Espagne, Irlande...), avec des taux d'intérêts réels négatifs (prise en compte de l'inflation). Les pays asiatiques ont déjà connu ce genre de situation (crise asiatique 1996-2000). Tôt ou tard, et d'une manière ou d'une autre cette bulla va devoir se dégonfler et selon les modalités, cela pourrait engendrer des déstabilisations majeures.
3) Egalement, un ralentissement majeur des exportations lié à une contraction du commerce international aurait des effets significatifs sur la croissance chinoise.
4) Une demande interne qui s'affaiblit comme semble déjà l'indiquer le ralentissement de la consommation en matières premières pourrait aussi avoir des répercussions sur la croissance.
5) Enfin, le montant élevé des créances douteuses ("non-performing loans - NPL" en anglais) liées aux nombreux investissements publics pourrait à terme se révéler très problématique si d'aventure ces crédits devaient ne pas pouvoir être remboursés.
Au niveau mondial, les implications sont diverses et parfois contradictoires :
Pour aller plus loin
Sylvain Fontan, “Un nouvel acte de la crise globale se joue actuellement en Chine”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 18/07/2013.
Sylvain Fontan, “Ralentissement économique des pays émergents”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 19/07/2013.
Sylvain Fontan, “Conséquences de l'assouplissement monétaire lié à la crise globale”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 23/07/2013.
Sylvain Fontan, “Abenomics : les trois flèches de la stratégie économique du Japon”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 18/06/2013.
Sylvain Fontan, “USA : d'une crise à l'autre”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 30/05/2013.
Citation
Sylvain Fontan, “Le ralentissement économique de la Chine se confirme”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 06/08/2013.