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Le ralentissement économique de la Chine se confirme

6 août 2013

Après une croissance économique moyenne d'environ +10% par an au cours des 20 dernières années, la Chine voit son rythme d'accumulation de richesses ralentir. Les signaux sont nombreux et les implications dépassent le cadre purement national de la Chine.

Evolution trimestrielle de la croissance économique en Chine depuis 2010

 

Une situation moins favorable que par le passé

Alors que la Chine s'était habituée à une croissance très élevée au cours des années 2000, les années 2010 s'annoncent moins favorables. En effet, même si la croissance reste élevée dans l'absolu (entre +7% et +8%), d'un point de vue relatif elle est modestes pour un pays comme la Chine. Plus qu'un niveau ponctuellement bas, c'est la confirmation d'un rythme de long terme moins élevé et une tendance à la baisse qui inquiète les autorités chinoises. En effet, alors que les premiers signes de ralentissement pouvaient être attribués à la crise globale, la confirmation trimestre après trimestre du ralentissement économique (voir graphique ci-dessus) indique que le pays doit s'habituer à connaître des taux de croissance plus faibles pour les années à venir, et que des taux supérieurs à +10% par an semblent maintenant devoir faire partie du passé.

Les signes de ce ralentissement sont nombreux. En effet, au-delà des chiffres macroéconomiques liés à la croissance du PIB (Produit Intérieur Brut), plusieurs statistiques sont venues confirmer le ralentissement en cours. Les chiffres concernant les investissements en infrastructures, les exportations et les excédents commerciaux, ainsi que la production industrielle sont tous moins positifs qu'auparavant. Tout cela est cohérent avec la baisse de la demande extérieure émanant des pays développés notamment, ainsi que compte tenu du stress récent sur les marchés interbancaires chinois qui ont entrainé une raréfaction du crédit. Un des indicateurs particulièrement suivi est l'indice manufacturier chinois (le PMI calculé par la banque HSBC). Il indique un fort recul de la production manufacturière qui s'élève à 47,7 (un record depuis près de un an). Un indice de 50 signifie que la production manufacturière est restée parfaitement stable. Un indice inférieur à 50 traduit un ralentissement industriel.

Une compétitivité de plus en plus menacée qui complique les perspectives

Plusieurs tendances structurelles viennent attester du fait que la Chine commence à perdre de son avantage compétitif. En effet, l'avantage salarial de la Chine s'érode d'année en année. Il est vrai que le coût salarial horaire ne représente qu'environ 5% du salaire moyen d'un travailleur américain ou européen, mais les salaires chinois augmentent rapidement. De plus, des éléments viennent atténuer cet avantage apparent :

  • Il convient tout d'abord de tenir compte de la productivité du travail (quantité de travail nécessaire à la production) qui est nettement plus faible en Chine que dans les économies développées. En prenant en compte cet élément, les écarts sont moins importants et le coût salarial unitaire (par unité produite) chinois ne représente finalement qu'environ 70% du niveau américain. Etant donné que les salaires augmentent plus vite (+15%/an en moyenne) que la productivité (+6%/an en moyenne), cet écart est encore appelé à diminuer.
  • Au-delà des moyennes, il existe également des différences entre les provinces. En effet, les salaires des provinces côtières telles que celle de Shanghai convergent rapidement vers les normes des grands pays développés. Sur les emplois les plus qualifiés, l'écart salarial pourrait rapidement (2015-1016) être inférieur à 30% entre ces provinces et les Etats-Unis. A cela, il faut rajouter les coûts liés au transport, à la malfaçon et au stockage. Par conséquent, l'avantage compétitif de la Chine n'est plus aussi évident que par le passé.

Un des effets de cette perte relative de compétitivité est l'émergence de nouveaux concurrents. En effet, plusieurs pays périphériques (Vietnam, Laos, Cambodge...) commencent à poser un réel problème à la Chine. Tous ces pays présentent la particularité d'être spécialisés dans des industries fortement intensives en main d'œuvre, tout comme la Chine. Plusieurs exemples viennent attester de cette diminution des parts de marché de la Chine. Alors que la majeure partie des jouets importés aux Etats-Unis proviennent de Chine, la croissance des importations chinoises stagne quand parallèlement les produits venant de ces pays périphériques progressent fortement.

La Chine doit donc commencer à réorienter sa production vers les secteurs à forte intensité en capital. Les secteurs à forte intensité en capital (machines) sont généralement les secteurs les plus générateurs de valeur ajoutée (richesse nette produite). Toutefois, la Chine doit faire face à plusieurs éléments qui viennent compliquer cette montée en gamme. En effet, le pays se trouve en concurrence directe avec des producteurs issus des pays développés dont les produits sont certes plus chers mais dont l'expertise est prouvée, la notoriété faite et qui sont déjà installés sur les différents marchés mondiaux. De plus, la Chine doit faire face à des dévaluations (perte de valeur organisée par les autorités monétaires) de plusieurs monnaies concurrentes (le Yen au Japon et le dollar au Etats-Unis). A ce titre, le Taux de Change Effectif Réel (TCER) du Yuan, autrement dit le taux de change corrigé de l'inflation et de la structure des exportations chinoises, augmente et pénalise ainsi la compétitivité des exportations. Même si ces différents éléments n'apparaissent pas encore énormément au niveau de la balance commerciale (différence entre les exportations et les importations) qui frôle les records de 2008-2009 sur les 12 derniers mois, les produits chinois peinent désormais à accroître la pénétration de plusieurs marchés étrangers (Etats-Unis et Allemagne notamment).

Difficultés à appréhender les statistiques officielles

Il convient de relativiser les chiffres publiés par le NBS chinois (Bureau National des Statistiques). En effet, toutes les données statistiques fournies par le NBS sont de sources officielles et difficilement vérifiables. De façon très pragmatique, ces données attestent en réalité la volonté du parti communiste chinois à communiquer sur de mauvais chiffres. Le fait que ces chiffres soient mauvais, qu'ils soient difficilement vérifiables, et enfin qu'ils soient conditionnés à une volonté politique de communiquer à leurs sujets, induit deux conséquences. Tout d'abord, (1) c'est l'aveu que l'érosion d'année en année de la croissance économique de la première économie émergente est bien une réalité, ensuite (2) il est probable que les chiffres soient plus mauvais, et enfin (3) la décélération observée a probablement débuté plus tôt que les statistiques officielles ne le laissent penser.

Plusieurs éléments viennent plaider pour que les statistiques officielles soient prises avec recul :

  • L'élément le plus évident est la capacité des autorités chinoises à communiquer le taux de croissance économique annuel exact, 15 jours seulement après la fin de l'année calendaire. De plus, les chiffres communiqués à cette occasion ne sont jamais réévalués après coup. Or, cette capacité est particulièrement troublante quand on sait que même des économies plus petites, mieux organisées, et dont les instituts de statistiques officielles sont plus indépendantes du pouvoir politique, ne sont pas en mesure de fournir des chiffres aussi précis dans des délais si courts. De plus, les chiffres sont quasi systématiquement réévalués (à la hausse ou la baisse) au cours de l'année suivante.
  • Un autre élément (parmi d'autres) qui permet de douter des statistiques officielles est la divergence qu'il existe parfois entre les exportations déclarées par la Chine et les importations déclarées des pays importateurs. Alors que ces deux chiffres devraient en toute logique être identiques, ils peuvent être supérieurs du côté chinois, soulignant ainsi une probable tendance à la surévaluation statistique.
  • Enfin, alors que la Chine consomme 40% des matières premières mondiales et déclare une croissance de sa consommation de +7% à +8% par an, le prix des matières premières diminue constamment, soulignant ainsi une certaine incohérence. Etant donné le poids de la Chine dans la consommation mondiale de matières premières, une telle augmentation de sa consommation devrait mécaniquement se traduire par une augmentation des prix, et non pas par la diminution observée depuis plusieurs mois maintenant.

Malgré les faiblesses des chiffres officiels, ils restent les seuls disponibles. En effet, même si plusieurs éléments soulignent que les statistiques chinoises sont soumises à des biais, il n'en demeure pas moins que ce sont les seules disponibles. De plus, même si elles peuvent être remises en cause quant à leur capacité à caractériser de façon exacte  une situation à un moment donné, elles permettent de souligner une dynamique qui correspond assez fidèlement à la réalité. Enfin, notons que les statistiques émanant des autorités chinoises sont plus fiables que dans plusieurs autres pays, notamment l'Inde. En effet, la Chine a hérité d'une certaine manière de son passé planificateur. Dès lors, le pays bénéficie d'une certaine expertise dans le suivi de la production industrielle.

Implications et risques

Le ralentissement de la Chine est une menace pour la Chine elle-même. Alors que les autorités ont annoncé un objectif de +7,5% de croissance en 2013, les résultats devraient finalement se révéler inférieurs. Certaines projections font même état d'une croissance de "seulement" +6,5%. Si cet objectif apparaît néanmoins relativement élevé, il n'en demeure pas moins que ce serait la croissance la moins faible observée en Chine depuis plus de 20 ans. De plus, ce niveau constitue un seuil critique en matière de stabilité sociale, mais surtout renvoie aux promesses effectuées lors du 18ème congrès du parti communiste chinois en novembre 2012 qui prévoyait de doubler le revenu par habitant d'ici 2020. Or, cet objectif n'est atteignable que si la croissance est durablement supérieure à +7% annuellement.

L'économie chinoise se trouve confrontée aux limites de son modèle. En effet, le modèle de croissance chinois qui a prévalu jusqu'à maintenant repose fondamentalement sur l'importation de matières premières destinées à être transformer, pour ensuite fabriquer des produits manufacturés relativement basiques, et exporter ces derniers vers ses partenaires commerciaux européens, américains et asiatiques afin d'accumuler des devises. En ce sens, le modèle chinois est très mercantiliste. Toutefois, ce modèle soulève l'extrême dépendance de la Chine aux marchés extérieurs. Si ces derniers viennent à faiblir, la demande de produits manufacturés adressée à la Chine diminue et l'activité économique chinoise s'en ressent. La situation à laquelle la Chine se trouve confrontée reflète bien ce dilemme.

L'objectif de la Chine depuis plusieurs années est de maintenir un taux de croissance entre +7% et +10% par an. Afin d'atteindre ces taux de croissance, la Chine a principalement augmenté la part de ses investissements publics dans le PIB, ce qui traduit un volontarisme de l'Etat pour soutenir la croissance, mais ce qui souligne également le caractère "artificiel" de la croissance. En effet, depuis 10 ans, la part de la consommation et des exportations dans le taux de croissance ne cesse de diminuer alors que les investissements représentent plus de 60% de la croissance chinoise. Autrement dit, environ deux tiers de la croissance chinoise est liée aux investissements publics. Or, ce niveau est un record mondial dans l'histoire économique. Jusque-là, le niveau le plus haut des investissements publics dans la croissance revenait  Taïwan avec une contribution de 30%.

La Chine va devoir développer une nouvelle politique. Il apparaît que la possibilité d'augmenter encore cette part est très limitée. Quoi qu'il en soit, les autorités ne pourront pas augmenter à l'infini les investissements publics et le niveau actuel ne pourra pas être maintenu Ad vitam æternam. Un rééquilibrage de la croissance vers la consommation intérieure semble obligé mais les risques inhérents à ce dernier sont importants : tensions inflationnistes, problèmes sociaux... Un autre élément qui vient plaider pour un rééquilibrage intérieur est la démographie chinoise. Jusqu’à présent, l’afflux de travailleurs venus de la campagne a justifié la hausse continue des investissements dans l’industrie. Lorsque cet afflux cesse et que l’embauche de nouveaux salariés ne peut se faire qu’au prix d’une hausse des salaires comme actuellement, un phénomène de retournement apparaît. En Chine, la politique de l’enfant unique renforce cette contrainte: l’afflux de travailleurs ruraux a commencé à se réduire après 2010 et devrait cesser dans les années à venir. Dans ce contexte, la population active chinoise commencera à diminuer.

Un freinage brutal de la croissance chinoise n'est pas inenvisageable. S'il est toujours difficile de prévoir l'avenir, il est toujours possible d'émettre des hypothèses. Dans ce cadre, il apparaît que sous certaines conditions, la croissance chinoise pourrait brutalement s'effondrer, même si dans le cas de la Chine cela voudrait dire une croissance annuelle comprise en +3% et +4%. Pour qu'un tel scénario se réalise il faudrait que :

1)    le passage d'une économie basée sur la demande extérieure et les investissements publics, vers une économie réorientée sur la consommation intérieure ne se passe pas bien. La Chine représente certes un marché potentiel futur de 1,3 milliards de consommateurs, mais avant que les surcapacités de productions chinoises convergent avec cette demande potentielle, il pourrait s'écouler entre 10 et 20 ans au moins, donc beaucoup trop pour envisager un modèle alternatif à court terme.

2)    Parallèlement, la Chine fait toujours face à une bulle immobilière. Le schéma est le même que dans les pays où ces bulles ont eu des effets délétères (Espagne, Irlande...), avec des taux d'intérêts réels négatifs (prise en compte de l'inflation). Les pays asiatiques ont déjà connu ce genre de situation (crise asiatique 1996-2000). Tôt ou tard, et d'une manière ou d'une autre cette bulla va devoir se dégonfler et selon les modalités, cela pourrait engendrer des déstabilisations majeures.

3) Egalement, un ralentissement majeur des exportations lié à une contraction du commerce international aurait des effets significatifs sur la croissance chinoise.

4) Une demande interne qui s'affaiblit comme semble déjà l'indiquer le ralentissement de la consommation en matières premières pourrait aussi avoir des répercussions sur la croissance.

5) Enfin, le montant élevé des créances douteuses ("non-performing loans - NPL" en anglais) liées aux nombreux investissements publics pourrait à terme se révéler très problématique si d'aventure ces crédits devaient ne pas pouvoir être remboursés.

Au niveau mondial, les implications sont diverses et parfois contradictoires :

  • Le ralentissement économique de la Chine aura des effets sur toute l'Asie de l'Est et du Sud-Est. A ce titre, les prévisions de croissance pour la zone ont été revues à la baisse avec +6,5% en Asie de l'Est en 2013 et 2014 contre +7% attendu, et seulement +5% en Asie du Sud Est.
  • Le ralentissement chinois vient abonder une situation déjà négative au niveau mondial. En effet, ce ralentissement vient s'ajouter à une zone euro en récession (croissance négative) et à une reprise américaine en demi-teinte qui peine à se concrétiser et surtout qui ne se transmet pas aux autres économies. Au final, aucune des trois zones ne semble en mesure de pouvoir générer une dynamique d'entraînement pour l'économie mondiale.
  • En revanche, un ralentissement qui se transformerait en chute de la croissance chinoise aurait un impact de -0,5% à -1% sur la croissance mondiale totale. Les effets seraient donc significatifs mais paradoxalement ils pourraient également permettre à des pays comme les Etats-Unis de mettre en place une sortie de crise sans impact déflationniste. En effet, si la Chine ralentit, la demande en matière première diminuera et ainsi les prix de ces produits aussi. De même, la chute de la croissance chinoise signifierait un choc brutal à court terme mais qui serait plus soutenable à moyen terme.

Pour aller plus loin

Sylvain Fontan, “Un nouvel acte de la crise globale se joue actuellement en Chine”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 18/07/2013.

Sylvain Fontan, “Ralentissement économique des pays émergents”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 19/07/2013.

Sylvain Fontan, “Conséquences de l'assouplissement monétaire lié à la crise globale”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 23/07/2013.

Sylvain Fontan, “Abenomics : les trois flèches de la stratégie économique du Japon”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 18/06/2013.

Sylvain Fontan, “USA : d'une crise à l'autre”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 30/05/2013.

Citation

Sylvain Fontan, “Le ralentissement économique de la Chine se confirme”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 06/08/2013.

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