"Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, c’est le client" - Henry FORD
"Il y a lieu d’adopter la stabilité du niveau des prix comme, à la fois, but de la politique monétaire, guide et critère de réussite" - Milton FRIEDMAN
"Moins le risque est grand, plus les spéculateurs fuient" - Maurice ALLAIS
"Le bon stratège contraint l'ennemi et ne se laisse pas contraindre" - Sun TZU
"L'avarice commence où la pauvreté cesse. " - Honoré de BALZAC
"Un économiste est quelqu’un qui expose l’évidence en termes incompréhensibles" - Alfred KNOPFT
"Tous les hommes politiques appliquent sans le savoir les recommandations d’économistes souvent morts depuis longtemps et dont ils ignorent le nom " - John Maynard KEYNES
"Le plein-emploi ou même une situation voisine du plein-emploi est rare autant qu’éphémère" - John Maynard KEYNES
"L'inflation est une taxation sans législation" - Milton FRIEDMAN
"Qui parle sème ; qui écoute récolte " - PYTHAGORE
19 avril 2022
Le cannabis a envahi les cours d’école et les halls d’universités, et pas seulement. Au-delà de la dangerosité sanitaire du produit et des effets néfastes sur les consommateurs, il dessine une géopolitique de la criminalité et irrigue de nombreux quartiers dont il soutient l’économie. Notons d’emblée deux incongruités sémantiques. Premièrement, le terme de « quartier » utilisé pour désigner des espaces urbains tenus par les mafias et le banditisme. Dans le langage journalistique, quartier est un euphémisme et une litote pour désigner une zone dangereuse, à forte criminalité. Il y a ainsi les quartiers sensibles, désignant des espaces que l’on évite. Deuxièmement, le terme « zone défavorisée », qui désigne des zones urbaines sensées être pauvres, où les taux de chômage sont importants et, souvent, la criminalité forte. Ces zones seraient défavorisées, ce qui expliquerait, voire légitimerait, la violence qui s’y déclare et les dégradations. Ainsi de la Seine-Saint-Denis, du Mirail à Toulouse, des Minguettes, des quartiers nord de Marseille. Or rien n’est plus faux. Ces quartiers sont les plus favorisés de France : c’est eux qui reçoivent le plus d’argent public et le plus d’aides sociales. Très souvent, ils sont bien reliés en transports en communs, notamment en RER et en métros, comme Saint-Denis et le Mirail. À cela s’ajoutent de très nombreux équipements publics : écoles, collèges et lycées, bibliothèques, centres culturels et sportifs, etc. Si, lors des émeutes, ces bâtiments sont détruits et incendiés, c’est bien qu’ils existent. La Seine-Saint-Denis est à la fois l’un des départements les plus riches de France et en même temps l’un des plus pauvres, du moins du fait de sa population.
D’où une autre erreur d’analyse : présenter les habitants de ces quartiers comme pauvres. Sous le simple regard statistique peut-être, et encore. Il est vrai que les taux de chômage sont importants et les revenus faibles. Mais les populations y bénéficient de logements sociaux à bas prix, payé par d’autres, plus les nombreuses aides sociales. Enfin, se développe toute une économie parallèle, qui rapporte beaucoup et qui fournit un véritable travail. Et c’est là que l’on retrouve le cannabis. Par Jean-Baptiste Noé.
Accroissement de la consommation de cannabis
La proportion d’usagers occasionnels et réguliers de cannabis parmi les 18-64 ans n’a cessé de croître : 4% en 1992 ; 8% en 2000 ; 11% en 2014. Ces chiffres officiels sont victimes de deux biais statistiques : d’une part ils ne commencent qu’à 18 ans, alors que la consommation se fait dès le collège, excluant ainsi de la recension une partie importante des consommateurs, d’autre part ils sont fondés sur la reconnaissance volontaire d’une telle consommation, qui est interdite. Les chiffres sont donc sous-estimés. Autant il est facile d’évaluer la consommation d’un produit légal et commercialisé (type sodas), autant il est plus difficile d’évaluer la consommation de produits illicites, et donc cachés. C’est à partir des années 1990 que la consommation de cannabis a commencé à se développer. Aujourd’hui, elle touche un jeune sur deux. En 1993, 21% des jeunes de 17% avaient expérimenté au moins une fois le cannabis. 43% en 1999 ; 50% en 2002 et jusqu’à aujourd’hui. On peut là aussi penser que ce chiffre est sous-estimé. Le nombre de consommateurs réguliers, c’est-à-dire au moins dix fois dans le mois, est estimé à 1,4 million. Il s’agit bien d’un grave problème de santé publique, doublé d’un problème criminologique. C’est un fait social majeur et atavique dont les conséquences négatives sont multiples.
Le cannabis : premier employeur de France
Le réseau du transport et de la vente du cannabis en fait aujourd’hui l’un des premiers employeurs de France, et l’une des principales entreprises de notre pays. Les criminologues estiment que 200 000 personnes vivent directement de cette activité, au même rang que la SNCF et devant EDF (130 000). Ces emplois clandestins sont essentiellement concentrés dans les quartiers difficiles et sensibles et diffusés parmi les populations immigrées. Les 200 000 emplois seraient répartis de la façon suivante : 110 000 détaillants et vendeurs de rue, 80 000 semi-grossistes, 8 000 grossistes, 1 000 têtes de réseaux. À quoi il faut ajouter toute la jeunesse qui tient la rue et fait le gué pour prévenir de l’arrivée de la police, des bandes rivales et des clients : les guetteurs et les rabatteurs. La marchandise est produite au Maroc. Les grossistes vont la chercher en voiture : elle remonte l’Espagne et la France. D’où l’importance des liens familiaux tissés entre le producteur marocain et le revendeur de Tourcoing ou de Strasbourg. Il y a bien des tentatives pour produire le cannabis en France, mais cela se heurte à des problèmes techniques et logistiques, les fermes de cannabis étant assez facilement repérables et donc destructibles. Sans compter les dénonciations de la bande rivale pour éliminer un concurrent.
Et première source de violence
L’argent gagné irrigue les quartiers et favorise un enrichissement rapide. Voitures, grands écrans, vêtements de sport, jolies filles, tout peut s’attraper. Ainsi que les armes, élément indispensable pour tenir un lieu et faire place nette face aux autres bandes. D’où les règlements de compte, comme à Marseille et surtout à Grenoble, qui est la ville de France où la criminalité est la plus intense.
La nouveauté depuis les années 2000, c’est que cette criminalité n’est plus cantonnée aux zones classiques des banlieues à population immigrées des grandes métropoles. Désormais, chaque ville moyenne de province a son quartier sensible, avec sa criminalité, ses réseaux mafieux et son infiltration djihadistes. Le nord de la France peut aller s’approvisionner en Belgique et aux Pays-Bas, quand le sud est plus proche du Maroc. Nous avons parlé ici dans un précédent article de la ceinture islamiste Occitane ; le même phénomène se développe dans le Val de Loire. Orléans, Tours, Angers, Nantes : les voitures brûlées, les agressions de jeunes filles, les radicalisations islamistes, pour localisées qu’elles soient, sont une réalité en expansion. Ce sont des phénomènes nouveaux et croissants. La lecture de la presse locale est à ce titre très instructive.
Sur le territoire français, se sont illustrés les quartiers du Kercado à Vannes, Ozanam à Carcassonne, Presles à Soissons et Beaubreuil à Limoges. La police y intervient régulièrement, avec le Raid et le GIGN, sans que cela ne soit réellement efficace.
L’argent du trafic est ensuite recyclé dans les commerces locaux, installés grâce à des franchises fiscales. Il permet de payer les récalcitrants, ou plus simplement de les menacer, et d’employer la main-d’œuvre scolaire, qui trouve-là une activité plus rémunératrice et plus amusante que l’école. C’est donc toute une société parallèle qui se constitue et qui gangrène et dissout les efforts de construction sociale.
En avril 2016, l’Opac de l’Oise mandatait une société de sécurité privée pour sécuriser un immeuble gangréné par les trafics et ainsi protéger ses habitants. Deux jours après leur arrivée, ces hommes étaient chassés par les caïds locaux qui, pour faire diversion et agir tranquillement, avaient envoyé une bande pour détruire un bâtiment municipal et ainsi fixer la police. L’Opac dû se résoudre à déménager en catimini et au petit matin les familles restantes pour les mettre dans un autre bâtiment, et ainsi abandonner l’immeuble aux dealers.
Le cannabis ne crée par la sécession : il la renforce, la favorise et la rend visible. Il permet à une sécession mentale de s’exprimer dans les faits, assurant la prise de possession de certains territoires par les mafias criminelles. De cette criminalité du quotidien à l’islamisme, il y a un pas qui est de plus en plus souvent franchi. Ils ont l’argent, ils ont le pouvoir et le territoire. Ne manque plus qu’une idéologie pour donner un sens à une vie assez terne et une transcendance à des existences plates. L’islam, comme religion identitaire et omniprésente, devient le combustible parfait pour enflammer les esprits. Nous ne semblons être qu’au début d’un phénomène dont il est difficile de prévoir les évolutions futures.