"L'inégalité est le résultat de la compétition entre technologies et éducation" - Jan TINBERGEN
"Le socialisme cherche à abattre la richesse, le libéralisme à supprimer la pauvreté " - Winston CHURCHILL
"Le problème avec la réduction des impôts sur le revenu c’est que ça stimule suffisamment l’économie pour que tout le monde rentre dans la tranche supérieure" - Harold COFFIN
"L'économie mondiale demeure une notion abstraite aussi longtemps que l'on ne possède pas un compte en banque" - Achille CHAVEE
"Dans ce monde complexe où l’information n’a jamais été aussi abondante, nous devons développer l’intelligence économique " - Jean ARTHUIS
"On ne peut devenir entrepreneur qu’en devenant auparavant débiteur. S’endetter appartient à l’essence de l’entreprise et n’a rien d’anormal" - Joseph SCHUMPETER
"La vérité n’est pas l’exactitude " - Octave MIRABEAU
"La puissance productrice d’un pays peut s’accroître d’une façon plus que proportionnelle à l’augmentation du chiffre de sa population" - Alfred MARSHALL
"En période de mobilité économique, la souplesse est une condition vitale du plein emploi" - Alfred SAUVY
"Une idée fausse mais claire et précise aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie mais complexe" - Alexis De TOCQUEVILLE
21 février 2022
Né en 1948, Jean-Pascal BENASSY est un économiste français de tradition keynésienne. Il est un ancien élève de l'ENS (Ecole Nationale Supérieure). Il obtient une thèse d'économie à l'université californienne de Berkeley (Etats-Unis) sous la direction de Gérard Debreu (prix Nobel d'économie 1983 et lui-même élève de Maurice Allais, prix Nobel d'économie en 1988). Ces travaux portent notamment sur l'équilibre général et les fondements microéconomiques de la macroéconomie. Son ouvrage de référence a été publié en 1984 sous le titre de "Macroéconomie et théorie du déséquilibre". Sa théorie (Théorie du déséquilibre) est également appelée "Théorie des équilibres avec rationnement" ou "Théorie des déséquilibres non walrasiens". Ces travaux portent sur l'analyse critique de l'équilibre walrasien (du nom de l'économiste Léon Walras).
Théorie de l'équilibre walrasien
L'équilibre walrasien décrit un "tâtonnement walrasien" qui caractérise une procédure d'essai-erreur, ce qui permet de déterminer un prix d'équilibre entre offre et demande organisées grâce à l'intervention d'un agent fictif appelé "commissaire-priseur". Ce dernier enregistre les offres et les demandes résultant du calcul maximisateur des agents à un prix quelconque. Il confronte ensuite les offres et les demandes globales pour chaque bien et révise ensuite les prix en fonction. Le prix annoncé sur un marché augmente lorsque la demande est supérieure à l'offre, et diminue dans le cas contraire ("tâtonnement walrasien"). Ce processus se poursuit jusqu'à l'égalisation des offres et des demandes globales sur chaque marché et c'est à ce moment-là (l'équilibre) que les transactions entre les agents ont effectivement lieu.
Théorie du déséquilibre
Benassy développe une analyse originale dans le sens où il recherche une explication non walrasienne de la détermination des prix. Le "prix" désigne le nombre d'unités monétaires auquel un bien (ou le travail) est échangé (vendu ou acheté) sur un marché (lieu de rencontre des offres et des demandes). La demande (ou l'offre) renvoie à la quantité de bien qu'un agent souhaite échanger sur un marché au prix en vigueur. Dans une économie walrasienne où un agent anticipe qu'il pourra échanger les quantités qu'il souhaite aux prix en vigueur, il déterminera ses demandes sur la base des seuls prix des biens (Demande walrasienne). Dès lors, si la possibilité d'échange à des prix différents des prix walrasiens est reconnue, alors les demandes des agents seront incompatibles. Certains ne pourront réaliser alors qu'une transaction inférieure à ce qu'ils souhaitent et seront rationnés en fonction des demandes exprimées par les agents ("schéma de rationnement").
La description de la formation des transactions à des prix non walrasiens pose une question en amont de l'échange. En effet, si les agents savent qu'ils ne pourront pas réaliser des transactions égales à leurs demandes, quelles demandes vont-ils exprimer? De plus, un rationnement sur un marché peut se reporter sur d'autres, tout en modifiant le désir d'échange d'un agent sur ceux-ci. A des prix non walrasiens, il faut alors étudier les comportements de demande des agents qui doivent également faire face à un ensemble de restrictions quantitatives sur leurs possibilités d'échange présentes ou futures.
Dans ce cadre, il convient d'examiner comment un agent développe ses perceptions quant aux restrictions à l'échange (la contrainte) qui dépendra du schéma de rationnement en vigueur sur le marché. La contrainte peut être manipulée par un agent si en cas de rationnement sur un marché il peut augmenter sa transaction en gonflant sa demande pour un bien. Ainsi, dans un environnement sans incertitude, un rationnement manipulable pose problème car les tentatives de manipulation des agents entraîneront des comportements de surenchère qui pourraient empêcher qu'un équilibre existe. Ainsi, la théorie de BENASSY exclue le caractère manipulable des schémas de rationnement.
Les contraintes perçues par un agent dépendront de son anticipation des demandes exprimées par les autres agents. Dans ce contexte, la question est de savoir quelles sont les demandes qu'un agent va exprimer ? Elles sont exprimées sous la contrainte qu'elles respectent toutes les restrictions à l'échange perçues. Si ces perceptions sont correctes, chaque demande coïncidera avec la transaction réalisée puisque, par construction, aucune demande ne peut excéder la restriction à l'échange. En cas de rationnement, la demande d'un agent sera égale à la contrainte perçue et ne véhiculera donc aucune information sur le désir de l'agent d'échanger plus : il se résignera à ne demander que ce qu'il perçoit possible.
Un équilibre à prix fixe (K-équilibre) est un équilibre en demandes effectives calculées selon le principe de décision duale. Autrement dit, l'équilibre associé au système de prix et aux schémas de rationnement en vigueur sur les marchés est un ensemble de demandes effectives, de transactions et de contraintes perçues.
Suivant la catégorie d'agents rationnés sur chaque marché, une économie à prix rigides peut connaître une diversité de situation d'équilibres. En présence d'un excès d'offre généralisé sur tous les marchés, elle rencontrera un problème d'inefficacité comparable à celui de l'équilibre de sous-emploi. Au système de prix en vigueur, il existera généralement des échanges additionnels qui amélioreraient la situation de tous les agents privés. Aucun agent n'aura toutefois intérêt à prendre l'initiative de tels échanges de façon décentralisée. D'où la possibilité de mener une politique publique de relance de la demande efficace.
Plusieurs points apparaissent comme critiquables. Parmi ces points, la principale critique porte sur le fait que cette théorie n'explique pas totalement le processus de formation des échanges contrairement à son ambition initiale. En effet, le concept de K-équilibre n'est pas compatible avec l'idée que les échanges dans une économie décentralisée vont nécessairement se réaliser de façon séquentielle, aucun agent ne pouvant se présenter simultanément sur tous les marchés. Dès lors, cette vision n'est pas valable dans un système d'équilibre général souhaitant expliquer la formation des prix d'équilibre dans l'ensemble des marchés. En revanche, elle peut être compatible dans une perspective d'équilibre partiel : un agent se présente sur un marché donné, il exprime une demande qui dépend des contraintes déjà rencontrées et des contraintes futures anticipées. Dès lors, l'équilibre existe mais les mécanismes concrets qui y conduisent ne sont pas expliqués. D'autres critiques existent quant à l'importance donnée par Benassy à la dimension monétaire des transactions, ainsi que sur le concept arbitraire de demande effective.
Citation
Sylvain Fontan, “Jean-Pascal BENASSY : Théorie du déséquilibre”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 02/09/2013.