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"Le changement du monde n’est pas seulement création, progrès, il est d’abord et toujours décomposition, crise " - Alain TOURAINE
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"Quand vous êtes capable, feignez l'incapacité. Quand vous êtes proche, feignez l'éloignement. Quand vous êtes loin feignez la proximité" - Sun TZU
"L'impôt tue l'impôt" - Arthur LAFFER
"On attire l'ennemi par la perspective d'un avantage ; on l'écarte par la crainte d'un dommage. " - SUN TZU
"Les communistes sont ceux qui ont lu Marx. Les anti-communistes sont ceux qui l'ont compris " - Ronald REAGAN
"Les urgences ont toujours été le prétexte sur lequel les protections des libertés individuelles ont été érodé" - Friedrich HAYEK
"L'inégalité est le résultat de la compétition entre technologies et éducation" - Jan TINBERGEN
"L’inflation est toujours un phénomène monétaire" - Milton FRIEDMAN
12 septembre 2013
Le 29 Mai dernier, la Commission Européenne accordait un délai de deux ans à la France pour atteindre son objectif de réduction du déficit public. En contrepartie de ce délai, la France s'est engagée à lancer plusieurs réformes structurelles selon un calendrier prédéterminé dont la première échéance est le 1er Octobre 2013. Dans ce cadre, il convient de revenir sur l'ensemble de ces éléments.
Un délai supplémentaire mais également des recommandations
La Commission Européenne (CE) a joué son rôle de supervision économique. En effet, les Etats membres de la Zone Euro se sont accordés pour que dorénavant leurs politiques économiques soient étudiées et que des recommandations leurs soient adressées, notamment au travers de la notion de semestre européen. L'idée est de pouvoir ainsi améliorer la solidarité et la discipline budgétaires eu sein de la Zone Euro. Dans ce cadre, la France a bénéficié de deux années supplémentaires pour faire passer son déficit public sous la barre des 3% du PIB, autrement dit en 2015. Le délai concédé à la France constitue une bonne nouvelle dans le sens où cela permet de converger plus lentement vers l'objectif des 3% et de lisser dans le temps les effets potentiellement récessifs sur l'économie d'un tel objectif.
Le délai a été accordé en échange de l'engagement de la France de suivre des recommandations. Selon les propos de la CE, la France doit profiter de ce délai pour mettre en place une action significative afin d'améliorer sa compétitivité et de mettre en place une gestion raisonnée de ses finances publiques dans une optique de réduction des déficits. A ce titre, la France doit concentrer ses efforts dans six domaines prioritaires sur lesquels la CE avance des recommandations très précises :
Incohérence de la France
La Commission Européenne juge assez durement la politique économique française. En effet, le commissaire européen aux affaires économique a résumé la situation de la France en déclarant que "l'heure des réformes courageuses a sonné", et d'ajouter que la France a de la chance car elle dispose de grandes marges de manœuvre pour diminuer ses dépenses et pour simplifier la structure et le fonctionnement de l'Etat et de son économie. La CE note les efforts engagés par la France en termes de marché du travail et de fiscalité des entreprises, tout en soulignant également qu'ils ne compensaient pas la hausse initiale de fiscalité et de coût du travail engendrés par les mesures prises par l'actuel gouvernement en début de mandature. En d'autres termes, la CE met en doute la qualité des réformes et des mesures prises jusqu'à maintenant quant à leurs capacités à atteindre les objectifs officiels. Si les objectifs leurs paraissent louables, les moyens mis en œuvres ne leurs paraissent pas pouvoir atteindre cet objectif.
Les dirigeants français ont pris une posture très politique et incohérente. En effet, le premier ministre français a immédiatement déclaré que "les réformes seront menées à notre manière", et le Président de la République de surenchérir en disant que "La Commission n'a pas à nous dicter ce que nous avons à faire". Toutefois, si ces déclarations françaises peuvent apparaître de bon sens, elles soulignent en réalité une forte incohérence. En effet, c'est bien en partie à la CE de dire ce que la France doit faire. La France a signé, tout comme d'autres pays européens, des traités qui l'engagent. Dorénavant, les recommandations sur les réformes à mener sont réalisées pour l'ensemble des pays et la CE dresse les mesures qui devraient être à son avis mises en place pour résorber les déséquilibres. Pour ce faire, elle doit nécessairement donner un avis sur la qualité des finances publiques. En outre, ces déclarations sur la scène française vont à l'encontre de celles tenues auprès des dirigeants européens devant lesquels le président français prône la constitution d'un gouvernement économique de la Zone Euro qui ferait ainsi converger les politiques économiques et budgétaires. Or, il est difficile d'imaginer un tel gouvernement si ce dernier ne peut pas dire aux Etats membres ce qu'ils doivent faire. Enfin, la France bénéficie déjà d'un délai, dès lors il est difficile de défendre l'idée que les règles européennes ne s'appliquent pas à la France alors qu'elles le sont pour la Grèce, l'Italie, l'Espagne et d'autres pays.
Des implications économiques et un dilemme politique
En pratique, la France doit réaliser 20 milliards d'euros d'économies par an pour remplir ses engagements. En effet, quelque soit la sémantique utilisée (rigueur, austérité ou sérieux budgétaire) la France va devoir réaliser un effort de 1% de PIB par an, soit environ 20 milliards d'euros à trouver annuellement. La Commission Européenne, comme l'ensemble des instances internationales d'ailleurs (OCDE, FMI,...), recommande à la France de renoncer à effectuer de nouvelles hausses d'impôts pour y arriver, sous peine d'entraîner une nouvelle chute de la croissance économique. Dès lors, la CE préconise de réaliser ces efforts uniquement au travers de baisses de dépenses publiques.
Au-delà des chiffres, la France va devoir s'atteler à des réformes structurelles. Elles seront probablement douloureuses, d'autant plus qu'elles sont inattendues pour une large part de la population française qui a longtemps été laissée dans l'ignorance de la situation économique réelle de son économie, via entre autres les discours politiques qui prenaient soin de renforcer cette ignorance. Or, si les baisses des dépenses doivent être mises en œuvre, ce ne sont que les réformes structurelles qui seront susceptibles de stimuler suffisamment la croissance à terme pour espérer pouvoir résorber mécaniquement les finances publiques. De plus, le retour de la croissance en France sera fortement conditionné à la mise en place d'une politique crédible. Les agents économiques (ménages, entreprises, institutions financières) ne peuvent adhérer à une politique que si cette dernière renvoie à un cadre défini, à propos duquel l'instabilité et le louvoiement sont bannis afin de restaurer un nécessaire climat de confiance et un horizon prévisible.
L'enjeu est de continuer à bénéficier de taux d'intérêts bas afin de refinancer la dette de l'Etat. Or, pour que la France puisse bénéficier de ces taux, il faut également être crédible auprès des marchés qui la financent. Pour ce faire, il lui faut profiter de ce délai de deux ans pour développer des mesures crédibles sur le plan économique et financier, ce qui suppose que les mesures soient prises dans une optique économique de long terme, et pas dans une optique politique de court terme.
Les réformes recommandées par Bruxelles contredisent les mesures prises ou préconisées jusque-là par le gouvernement français. L'exemple emblématique est celui des retraites. En effet, sur ce sujet, les mesures annoncées récemment par le gouvernement prennent l'exact contre-pied des recommandations faites par Bruxelles. Alors que la réforme devrait être engagée rapidement et durablement, le gouvernement s'oriente vers une réforme a minima, qui sera mise en place lentement, qui renvoie essentiellement à une hausse de la fiscalité, et qui ne règle en réalité pas de façon pérenne le problème du financement des retraites. Concernant le recul d'âge de départ à la retraite, le gouvernement a écarté cette possibilité. Concernant la réforme des régimes spéciaux et l'alignement des secteurs privés et publics, rien n'a été fait. Enfin, alors que Bruxelles souligne l'impératif de ne pas toucher au paramètre des cotisations, c'est en réalité le seul paramètre qui va évoluer.
La France est confrontée à un dilemme politique. Une des raisons pour lesquelles la France à tant de mal à mettre en place les préconisations de Bruxelles tient au fait qu'elles sont toutes en contradictions avec les engagements de campagne de François Hollande. Plus largement, elles sont en contradiction avec le discours et les solutions historiquement prônées par le parti qui soutient l'action du gouvernement en place. Autrement dit, si sur le plan économique la trajectoire est claire, d'un point de vue politique, appliquer cette trajectoire serait pour le gouvernement français, au mieux se renier, au pire accréditer le fait que le diagnostic initial du gouvernement était erroné.
Les prochaines échéances sont très proches. En effet, la prochaine échéance au niveau européen est le 1er octobre 2013, date à laquelle l'Etat français devra présenter à la Commission Européenne ses avancées en matière de réformes. Dans ce cadre, la proposition définitive de réforme des retraites sera observée avec le plus grand soin. Ensuite, l'autre échéance est le projet de loi de finance pour 2014 qui vient d'être présenté par le gouvernement. La crédibilité et les intentions du gouvernement seront très largement jugées à l'aune de ce projet.
Citation
Sylvain Fontan, “Les engagements budgétaires français sur la scène européenne”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 12/09/2013.