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Le nouveau président de la banque centrale américaine (FED) : Janet YELLEN

13 novembre 2013

Après huit ans passés à la tête de la banque centrale américaine (communément appelée FED pour Federal Reserve), Ben Bernanke va laisser sa place le 31 janvier 2014. Son remplaçant est une femme nommée Janet Yellen. Elle va ainsi devenir un des décideurs politiques parmi les plus influents de la sphère économique mondiale. Sa nomination intervient dans un contexte difficile et les défis auxquels cette dernière va devoir se confronter sont particulièrement ardus.

Janet YELLEN

Qui est Janet Yellen ?

Janet Yellen est une économiste très expérimentée. Au-delà du fait que ce soit la première femme présidente de la FED, et la deuxième parmi les grandes économies (Elvira Nabiuillina dirige la banque centrale de Russie depuis juin 2013), J. Yellen est avant tout une économiste reconnue. En effet, elle est diplômée de l'université de Yale (Etats-Unis) où elle obtient un doctorat en économie en 1971. Elle enseigne ensuite l'économie à l'université de Berkeley, de Harvard et à la London School of Economics. Elle est notamment spécialisée sur le marché du travail et sur les causes, les mécanismes et les implications du chômage. Elle occupe un poste de gouverneur de la FED de 1994 à 1997. Puis, elle devient conseillère économique du Président Bill Clinton de 1997 à 1999. Ensuite, entre 2004 et 2010, elle préside la banque centrale de San Francisco. Enfin, elle est depuis quatre ans l'actuelle vice-présidente de la FED dont elle va prendre la direction en janvier prochain. Notons enfin sur le plan personnel qu'elle a 67 ans et qu'elle est mariée avec le prix Nobel d'économie 2001 : Georges A. Akerlof.

Les causes de sa nomination

A l'origine, Janet Yellen n'était pas la favorite pour ce poste. En effet, malgré les compliments du Président américain Barack Obama ("Elle est exceptionnellement qualifiée"), le favori pour ce poste était Larry Summers. Toutefois, ce dernier a finalement décidé de retirer sa candidature à la présidence de la FED. Sa décision de ne pas briguer ce poste tenait essentiellement à certaines polémiques portant sur sa personnalité, ses positions économiques et certaines de ses déclarations publiques jugées sexistes.

Janet Yellen présente plusieurs atouts indéniables pour ce poste :

  • Elle incarne la continuité : ayant pleinement soutenu la politique accommodante de Ben Bernanke au cours des précédentes années, elle a exclu la possibilité d'un changement brutal de la stratégie monétaire. Dès lors, cela constitue un élément de stabilité qui est bien vu par les marchés.
  • Elle est perçue comme une "Colombe" : ce terme imagé désigne dans le langage de la politique monétaire, des décideurs qui sont soucieux de la croissance et de l'emploi, par opposition aux "Faucons" qui sont plus soucieux de lutter contre l'inflation. Dans une optique de reprise économique fragile qu'il convient de confirmer, cet élément est lui aussi rassurant pour un ensemble d'observateurs.
  • Elle est jugée comme une excellente prévisionniste : une étude du Wall Street Journal a décortiqué près de 700 prévisions portant sur l'économie et l'inflation, faites par 14 présidents de banques centrales entre 2009 et 2012. Le résultat est sans appel : J.Yellen est la personne qui a été la plus pertinente.
  • Elle a été une des rares personnes à s'inquiéter des prémices de la crise globale : dès 2005, lorsqu'elle était à la tête de la réserve fédérale, elle avait attiré l'attention des gouverneurs de la FED sur les risques que faisait peser sur l'économie mondiale, l'essor du marché immobilier américain. Elle s'inquiétait alors de la formation d'une bulle immobilière liée au niveau anormalement élevé des prix sur ce marché.
  • Elle connaît parfaitement le fonctionnement de la FED : ses recherches académiques l'ont conduite à étudier les impacts de la politique monétaire sur l'économie, et ses précédents postes lui assurent une très grande compréhension des mécanismes techniques et décisionnels que requiert ce poste.
  • Enfin, elle a été adoubée par un économiste très influent : Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, a été l'ancien professeur de Yellen. Il déclare dans le New York Times que J.Yellen est « une des meilleures étudiantes que j'aie jamais eues », « une économiste à l'intellect remarquable », et « qui a une connaissance non seulement des marchés financiers et de la politique monétaire, mais aussi du marché du travail ».

Au final, sans que cela soit forcément automatique, sa nomination suit une évolution naturelle. Elle devient ainsi une des femmes les plus puissantes du monde avec Angela Merkel en Allemagne et Christine Largade à la tête du FMI (Fond Monétaire International). Son pouvoir est même très probablement supérieur à celui de Barack Obama tant les marges de manœuvres économiques de ce dernier sont restreintes, notamment par la situation politique du pays.

Contexte et défis

La nomination de Janet Yellen intervient dans un contexte économique pour le moins troublé. En effet, sa nomination par le Président Barack Obama à la tête de la FED est intervenue début Octobre 2013 dans un contexte de (1) "shutdown" budgétaire où l'Etat a cessé certaines dépenses publiques qui a entraîné le chômage technique de près de 800'000 fonctionnaires, et (2) de tensions politiques quant au relèvement du plafond de la dette américaine avec le risque d'un défaut de paiement du pays. Tous ces éléments sont venus fragiliser une reprise économique qui peine à se confirmer.

Janet Yellen fera face à deux défis principaux avec des implications pour les Etats-Unis et le monde :

1)    Elle devra mener une politique transparente et lisible. L'objectif sera de créer un climat de confiance permettant d'améliorer la visibilité dans le temps des agents économiques (entreprises, ménages, institutions financières) dans un contexte économique particulièrement incertain pouvant amener ces agents à reporter leurs décisions économiques dans le temps et ainsi entretenir une spirale négative.

2)    Elle devra surtout organiser le démantèlent de la politique monétaire exceptionnellement expansive mise en place par la Fed depuis l'éclatement de la crise globale, tout en préservant les objectifs de la banque centrale américaine qui sont de garantir des prix stables (inflation modérée et contrôlée), stimuler l'emploi (diminuer le taux de chômage) et maintenir des taux d'intérêts à long terme à des niveaux contenus. Concrètement,  elle devra réduire les programmes de rachats d'actifs réalisés mensuellement par la FED (85 milliards de dollars injectés tous les mois dans l'économie, soit environ un New Deal par mois).

L'objectif final est de suffisamment conditionner les anticipations pour éviter une nouvelle crise. En effet, la politique monétaire américaine devra permettre de suffisamment conditionner les anticipations des investisseurs afin d'éviter une remontée rapide des taux d'intérêts et prévenir d'éventuelles bulles sur les marchés (comme celle de l'immobilier qui a marqué l'enclenchement de la crise à l'été 2007). Le risque est que la FED n'arrive pas à cet objectif et que les programmes "d'assouplissements quantitatifs" qui sont des outils monétaires "non-conventionnels" aboutissent à un crack sur les marchés obligataire et sur les taux à long terme qui aurait des conséquences au-delà des Etats-Unis mais aussi sur les flux de capitaux dans les pays émergents et sur les devises telles que l'euro avec (entre autres) une chute des exportations dans ces pays.

Citation

Sylvain Fontan, “Le nouveau président de la banque centrale américaine (FED) : Janet YELLEN”, analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 13/11/2013.