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"Les urgences ont toujours été le prétexte sur lequel les protections des libertés individuelles ont été érodé" - Friedrich HAYEK
"Un économiste est quelqu'un qui voit fonctionner les choses en pratique et se demande si elles pourraient fonctionner en théorie" - Stephen M. GOLDFELD
"Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France " - Maximilien DE BETHUNES, Duc de Sully
"La productivité est la mesure du progrès technique" - Jean FOURASTIE
"Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation, l'une est par les armes, l'autre par la dette." - John ADAMS
"Les bonnes questions ne se satisfont pas de réponses faciles" - Paul SAMUELSON
"On appelle progrès technique une capacité d’action de plus en plus efficace que l’homme acquiert par l’effort intellectuel sur les éléments matériels" - Jean FOURASTIE
"La propriété est un droit antérieur à la loi, puisque la loi n'aurait pour objet que de garantir la propriété" - Frédéric BASTIAT
"La seule cause de la dépression est la prospérité" - Clément JUGLAR
11 mars 2014
Selon l'INSEE (Institut Nationale de la Statistique et des Etudes Economiques), la croissance économique française pour 2013 s'élève à +0,3%. Supérieur à la majorité des prévisions (gouvernement, instituts de conjoncture), ce résultat est essentiellement dû à un quatrième trimestre 2013 meilleur qu'anticipé (+0,3%). Néanmoins, loin de pouvoir parler de reprise ou même de rebond, il s'agit toutefois d'un léger rattrapage qu'il convient d'analyser pour ce qu'il est et dans toute sa complexité.
Eléments de compréhension
Les notions de PIB et de croissance économique sont liées mais différentes. En effet, la "croissance économique" renvoie à l'évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) d'un pays. Le "PIB" représente la richesse d'un pays, c'est-à-dire qu'il évalue la valeur des biens et des services produits au niveau d'un pays. Ainsi, la "croissance du PIB" indique l'évolution de l'accumulation de richesses au sein d'une économie, il évalue donc la création de richesses pendant une période donnée (généralement annuelle ou trimestrielle). Par conséquent, le PIB (ou son évolution, c'est-à-dire la croissance économique) est représentatif de l'activité économique et il constitue une grandeur synthétique permettant d'apprécier les résultats de l'activité économique d'un pays à travers la production.
Il est d'usage d'identifier quatre grandes composantes de la croissance économique d'un pays :
Les chiffres et les faits
L'observation des composantes de la croissance au quatrième trimestre 2013 (2013T4) fait apparaître une légère amélioration. En effet, après une croissance atone au troisième trimestre (+0% en 2013T3), la croissance a progressé de +0,3% en 2013T4:
Le bon résultat du dernier trimestre 2013 valide les prévisions du gouvernement pour 2014. Une fois n'est pas coutume et cela est suffisamment rare pour être souligné ; dont acte. En effet, il convient d'observer qu'avec un "acquis de croissance" de +0,3% l'objectif du gouvernement d'atteindre un taux de croissance de +0,9% en 2014 paraît parfaitement plausible. En d'autres termes, si l'activité économique reste au premier trimestre 2014 au même niveau enregistré au quatrième trimestre 2013 (acquis de croissance), il suffit que la croissance du PIB atteigne ensuite +0,2% seulement par trimestre pour que la richesse nationale produite au cours de 2014 atteigne +0,9%.
L'analyse de l'évolution des composantes souligne une situation plus contrastée qu'il n'y paraît. En effet, si le chiffre global de +0,3% de croissance en 2013T3 est de bon augure pour 2014, permettant ainsi au pays de débuter l'année sur un bon acquis de croissance, le détail des composantes de ce chiffre global est moins encourageant :
Reprise économique et sortie de crise ?
Malgré une amélioration, il n'est pas possible de parler de reprise, ni même de rebond. En effet, +0,3% de croissance au troisième trimestre 2013 (c'est-à-dire +1,2% en rythme annuel) renvoie au rythme moyen de croissance que la France peut envisager si tout va bien (croissance potentielle). Or, avec ce surplus de croissance, la France revient fin 2013 tout juste au niveau de production que le pays avait fin 2007/début 2008. Dès lors, si la crise est "effacée" en termes absolus, la France produit aujourd'hui autant qu'il y a 6 ans alors qu'entre-temps la population française est plus nombreuse (+700'000 habitants) et plus productive. Par conséquent, la richesse par habitant est inférieure de -2,5% qu'elle ne l'était avant crise et le niveau absolu de production devrait être beaucoup plus élevé. En d'autres termes, la France n'a pas besoin d'autant de personnes aujourd'hui pour produire autant qu'il y a 6 ans, ce qui explique le niveau élevé du chômage. Le pays n'a pas réussi à mettre en place des mesures aptes à stimuler suffisamment sa croissance économique pour réellement effacer les effets de la crise économique. Dans ces conditions, parler de reprise est pour le moins maladroit, voire fallacieux; il est tout au plus possible de parler de rattrapage d'une situation antérieure.
La récession est passée mais la crise est toujours là. En effet, la récession, c'est-à-dire la diminution du niveau d'activité et donc la destruction de richesses, n'est plus à l'ordre du jour car la croissance économique lors des trimestres prochains sera probablement positive. Néanmoins, il sera possible de parler de fin de crise lorsque la France aura retrouvé le niveau de chômage qui prévalait fin 2007 (c'est-à-dire 7% de la population active), alors qu'actuellement ce niveau est 4 points au-dessus à 11% de la population active. Notons enfin, que contrairement aux récessions passées (ex : 1974 avec le choc pétrolier ou en 1992 avec la crise du système monétaire européen) il avait fallu environ 6 trimestres pour revenir au niveau de PIB d'avant crise, alors qu'il aura fallu cette fois à la France 24 trimestres, ce qui souligne avec acuité la profondeur des difficultés auxquelles est confronté le pays.
Emploi et inversion de la courbe du chômage
La France a créé 14'700 emplois au cours du quatrième trimestre 2013. Ce bon résultat apparent est probablement lié à l'effet de l'accélération des dispositifs d'emplois aidés de fin d'année pour atteindre l'objectif annoncé par la majorité au pouvoir d'inverser la courbe du chômage. Cependant, ces emplois aidés se substituent en partie à d'autres types d'embauches, et notamment dans le secteur marchand concurrentiel créateur de richesses. En outre, les créations d'emplois de 2013T4 réfèrent essentiellement à des emplois intérimaires, c'est-à-dire extrêmement précaires. Ainsi, si la France a signé en rythme annuel 21 millions de contrats en 2013, 85% d'entre eux étaient en CDD (Contrats à Durée Déterminée) et les 2/3 étaient des CDD de moins d'un mois. Ainsi, ces emplois alimentent certes la création d'emploi totale sur un trimestre, mais pas sur une année où la France a fondamentalement détruit de l'emploi.
L'inversion de la courbe du chômage pour 2014 semble d'ores et déjà très improbable. Les prévisions économiques sont toujours difficiles à effectuer mais en l'espèce, et comme c'était déjà le cas en 2013 avec la promesse gouvernementale, aucun élément n'est susceptible d'émerger pour accréditer la thèse d'une diminution du chômage en 2014. En effet, le gouvernement table sur +0,9% de croissance en 2014, et les estimations indépendantes oscillent entre +0,7% et +1,3%. Or, même avec +1,3% (estimation haute et probablement très optimiste), l'économie française ne crée pas suffisamment d'emplois pour stabiliser le chômage. Compte tenu de la structure démographique et de la productivité de la France, seul un taux de croissance de +1,5% par an au minimum peut permettre de stabiliser le chômage (et au-dessus pour le faire diminuer). Dès lors, le gouvernement peut certes continuer sa stratégie visant à créer énormément d'emplois aidés, et réussir ponctuellement à stabiliser le chômage, mais cela sera non pérenne ; et s'il diminue son rythme d'emplois aidés alors le chômage va inexorablement continuer à augmenter. Enfin, notons que l'emploi est une variable retardée de l'activité comprise entre 6 et 9 mois. Dès lors, même en cas de reprise, il faudra observer une période de latence avant que cela se traduise par une diminution du taux de chômage.
Trois conditions sont nécessaires pour pouvoir évoquer une reprise de l'économie française :
1) Une accélération de la croissance économique significative (rythme trimestriel moyen au moins égal à +0,4%) et durable (plusieurs trimestres) ;
2) Que l'accélération de la croissance soit soutenue par l'investissement privé (et pas par la consommation ou les dépenses publiques), et là aussi de manière robuste et sur plusieurs trimestres ;
3) Enfin que tout cela se traduise pour une diminution du chômage via une création significative dans le secteur privé.
Eléments de perspective
La comparaison avec l'Allemagne est très éclairante. En effet, alors que l'Allemagne connaît en 2013T4 un taux de croissance comparable à celui de la France avec +0,4%, le pays bénéficie d'un taux de chômage beaucoup plus faible (deux fois moins élevé). Cette différence est liée au fait qu'il ne suffit pas de regarder les chiffres uniquement du dernier trimestre mais il convient d'observer la séquence depuis la crise. Dans ce cadre, l'Allemagne produit 2,5 points de plus de PIB en 2013 qu'en 2007, c'est-à-dire que ce pays produit plus avec une population qui décroît, alors que la France produit autant en 2013 qu'en 2007 avec une population plus nombreuse. Par conséquent et globalement, l'Allemagne est sortie de crise avec un chômage qui diminue plus facilement du fait de réformes profondes réalisées avant le déclenchement de la crise et d'une population active moins dynamique. En outre, au niveau du PIB par tête (c'est-à-dire la richesse par habitant), en 2013 ce dernier est inférieur de 2 points de PIB à celui de 2007 en France, quand les allemands sont 5% plus riches qu'en 2007. Par conséquent, le différentiel entre la France et l'Allemagne se creuse : alors qu'en 2005 les habitants des deux pays produisaient une richesse équivalente (28'000 euros par habitants), l'Allemagne affichera en 2015 un PIB/tête de 31'500 euros contre seulement 28'000 euros en France. L'écart de 10% souligne la divergence de résultat et du retard pris par la France avec son incapacité à adapter ses structures économiques et sociales à la mondialisationvia des réformes structurelles d'envergure. Le pays paye ainsi clairement ses errements passés et son incurie politique et économique.
Enfin, notons des éléments historiques et arithmétiques trop souvent négligés ou ignorés :
Pour aller plus loin
Sylvain Fontan, “L'urgence de l'investissement en France”, analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 25/02/2014.
Sylvain Fontan, “De la croissance à l'emploi en France”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 01/10/2013.
Citation
Sylvain Fontan, « Les chiffres de la croissance économique en France», analyse publiée sur «www.leconomiste.eu» le 11/03/2014.