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Le décrochage de la Zone Euro face aux Etats-Unis

27 mai 2013

Les Etats-Unis et l'Europe, prise globalement, suivent généralement la même trajectoire économique. L'observation sur une longue période des évolutions économiques de ces deux grandes zones confirme cette analyse. Il subsiste néanmoins des différences, notamment en terme d'ampleur et de décalage temporel. En effet, la même évolution peut être plus ou moins marquée, et elle peut intervenir avec plus ou moins de retard selon la zone observée. Toutefois, il convient de constater que depuis deux ans, les trajectoires économiques de la zone euro et des Etats-Unis diffèrent. Il apparaît alors que la différence de dynamique économique s'apparente à un phénomène dit de "decoupling" qui indique en l'occurrence un décrochage de la zone euro face aux Etats-Unis.

Evolution comparée de la demande interne privée entre la zone euro et les Etats-Unis

 

Un décrochage qui traduit deux situations différentes

L'observation de la demande interne privée est un bon indicateur pour souligner un phénomène de décrochage. En effet, la demande interne privée correspond à la combinaison entre la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. En ce sens, cet indicateur permet d'apprécier la dynamique de l'activité économique au travers de deux de ses composantes majeures.

Le graphique ci-dessus fait apparaître ce phénomène de décrochage. Après plusieurs années d'une trajectoire positive et relativement linéaire, l'année 2008 correspond à une inflexion très nette de la trajectoire des deux zones du fait de la faillite de la banque américaine Lehman Brother. La chute de la demande interne privée continue ensuite jusqu'à mi-2009 avant de se reprendre d'une façon comparable à la fois aux Etats-Unis et dans la zone euro. Néanmoins, alors que la trajectoire continue à progresser de façon soutenue aux Etats-Unis, la zone euro stoppe sa progression à partir de mi-2011 et entame une dégradation marquée.

Au final, l'observation des deux trajectoires indique des dynamiques économiques similaires jusqu'en 2011. Depuis, l'écart se creuse de façon très visible. Il convient de souligner que l'observation de l'évolution du PIB, autrement dit de la production de richesses, indique exactement la même évolution. En effet, fin 2012, la production réelle aux Etats-Unis était 2,5% supérieure au niveau observé avant crise, alors qu'en zone euro, la production réelle était inférieure de 2,5% par rapport au niveau constaté avant crise. La divergence des dynamiques creuse un écart de plus en plus visible entre les deux zones.

La différence de dynamique depuis 2011 souligne le fait que les Etats-Unis confirment leur reprise économique, alors que parallèlement, la zone euro s'enfonce dans la récession. En effet, aux Etats-Unis, malgré une baisse de l'endettement des ménages, ces derniers continuent à consommer et les entreprises continuent à investir. Inversement, en zone euro, on constate une diminution de l'activité manufacturière et une hausse du chômage. L'explication pour laquelle l'année 2011 correspond à une divergence des deux courbes et à un point d'inflexion de la trajectoire de la zone euro, tient à la mise en place de la politique d'austérité dans plusieurs pays européens. La baisse des dépenses publiques et la hausse de la fiscalité ont dégradés les anticipations des agents économiques privées (ménages et entreprises), diminuant ainsi la demande interne.

Un décrochage qui interroge quant aux perspectives économiques

Est-ce que le décrochage de la zone euro est généralisé ou est-ce qu'il comporte des exceptions? Il apparaît que l'Allemagne fasse figure d'exception dans la mesure où elle réalise des performances économiques plus positives que ses partenaires européens. D'ailleurs, les marchés financiers ne s'y trompent pas car le principal indice boursier allemand (le DAX), s'écarte peu à peu de l'indice européen des valeurs boursières (l'Eurostox500) pour s'approcher de la tendance américaine (le S&P 500). Néanmoins, cette vision est à relativiser car l'intégration de l'Allemagne dans l'économie européenne fait que les aléas conjoncturels de ses partenaires européens impactent ce pays. En effet, si la croissance demeure positive la trajectoire s'oriente vers la baisse. Si cette tendance devait se confirmer, cela serait de très mauvaise augure pour la zone euro, l'Europe et l'économie mondiale car c'est pour le moment la crédibilité et la solidité économique de l'Allemagne qui permettent de soutenir l'édifice européen.

A quoi ressemblerait un scénario plus favorable? Afin d'envisager une amélioration de la situation et le rapprochement des deux trajectoires il faudrait pour cela que (1) la reprise économique américaine se confirme que (2) les politiques de rigueur s'infléchissent, et enfin que (3) les taux d'intérêts restent à des niveaux faibles afin de limiter la dégradation industrielle et favoriser la valorisation des actifs. Si les deux derniers points semblent se confirmer, la reprise américaine n'est pas assurée. En effet, la baisse de l'activité en Europe pèse sur la croissance américaine, qui souffre également du ralentissement économique dans les pays émergents.

Dans ces conditions, qu'est-ce qui pourrait concourir à aggraver la situation? Tout d'abord, une rechute de l'activité économique américaine serait catastrophique et entraînerait le reste de l'économie mondiale dans son sillage, comme au plus fort de la crise globale en 2008-2009. Ensuite, un ralentissement économique qui se transformerait en déstabilisation dans les pays asiatiques aurait également un impact très négatif du fait du poids grandissant de ces pays. Enfin, les politiques monétaires non conventionnelles menées dans le monde entier, et particulièrement au Japon (voir décryptage), pourraient affaiblir la crédibilité des banques centrales et ainsi entraîner des phénomènes inflationnistes ou déflationnistes incontrôlés.

Citation

Sylvain Fontan, “Le décrochage de la Zone Euro face aux Etats-Unis”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 27/05/2013.