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Une guerre commerciale entre la Chine et l'Union Européenne a été évitée

4 septembre 2013

Après six semaines de négociations, les autorités chinoises et européennes sont parvenues à un accord concernant le différend commercial qui les opposait sur les panneaux photovoltaïques. L'accord conclu le 2 Août 2013 apparaît comme l'épilogue d'un long processus qui avait amené l'Union Européenne à prendre des mesures de rétorsions contre la Chine. Toutefois, si une guerre commerciale a été évitée, il apparaît que la Chine sort vainqueur de cet affrontement.

Principaux fabricants de panneaux solaires dans le monde

 

Origines du différend commercial

Le développement de la production photovoltaïque en Chine est très récent. Elle était proche de zéro en 2007 et elle représente actuellement plus de 21 milliards d'euros d'exportations vers l'Europe, soit près de 80% de part de marché. La rapidité du développement de cette industrie et son poids dans le marché européen est le résultat d'une politique agressive non concurrentielle. En effet, la production des industries chinoises dans ce secteur est fortement subventionnée par l'Etat chinois au travers des banques publiques, qui annulent les créances le cas échéant si nécessaire. L'industrie photovoltaïque chinoise se retrouve donc en situation de surcapacité. Les entreprises chinoises produisant des panneaux solaires peuvent ainsi vendre à perte, c'est-à-dire que le coût de production est supérieur au prix de vente, développant ainsi une politique commerciale de dumping qui est une mesure proscrite dans les règlements des échanges internationaux. Selon les estimations, sans ces aides d'état, les produits chinois en question seraient de 90% à 110% plus chers.

Le résultat de la politique chinoise est d'avoir accaparé le marché européen. En effet, la Chine a fait chuter les prix, obligeant ainsi 75% des entreprises européennes du secteur à faire faillite (20 producteurs européens ont fait faillite en deux ans). Potentiellement, la destruction des emplois européens dans cette industrie concerne près de 30'000 personnes. L'hypothèse possible à formuler est que l'objectif final recherché par la Chine était dans un premier temps de subventionner fortement une industrie tout en faisant des pertes, pour dans un second temps éliminer la concurrence sur un marché donné, et enfin pouvoir imposer ses propres prix pour in fine réaliser des profits.

Réactions en chaîne et rapport de force

Pour faire face à cette situation, l'Europe avait mis en place des taxes douanières. L'idée de cette taxe est née de la volonté de la Commission Européenne de protéger l'industrie photovoltaïque européenne dont la survie était menacée pas le dumping des industriels chinois. Dès lors, depuis le 6 juin 2013, les importations "solaires" chinoises subissaient une taxation aux frontières (droits de douanes) de 11,8%, et elles étaient menacées de passer à 47,6% à partir du 6 août si aucun n'accord n'était trouvé.

La Chine a vivement réagi à cette hausse des droits de douanes. En effet, elle a décidé de lancer plusieurs enquêtes et procédures anti-dumping contre les importations de vins en provenance d'Europe, tout comme l'automobile de luxe ou encore les tubes en acier. Les producteurs viticoles européens sont accusés de bénéficier de subventions octroyées par l'UE et les différents pays concernés, engendrant une concurrence déloyale vis-à-vis des producteurs de vins chinois. La Chine visait essentiellement la France avec cette mesure. Du côté des automobiles de luxe, c'était l'Allemagne qui était directement visée par les menaces de rétorsions chinoises. Au final, l'idée qui se voulait claire de la part des autorités chinoises était de faire peser la menace d'une restriction dans l'accès à leur marché domestique de plus de 1,3 milliards d'habitants. Le risque d'escalade était réel et il aurait pu aboutir à une guerre commerciale (hausse des droits de douanes et mesures administratives).

La réaction chinoise a été très habile. En effet, consciente que le marché européen est très important pour elle, et également consciente que face à une Europe unie sa puissance reste encore toute relative, elle a organisé une contre-attaque commerciale parfaitement dosée et dirigée. Le fait de multiplier des menaces différentes sur plusieurs pays européens a eu pour effet de faire ressurgir les égoïsmes nationaux. Ainsi, cette politique du "diviser pour mieux régner" a suscité les dissensions nationales, pour aboutir in fine au délitement partiel des politiques européennes communes en matière de commerce. Par conséquent, au lieu d'obtenir un accord qui aurait permis de restaurer les conditions d'une concurrence équitable entre les deux zones économiques (Europe et Chine), et ainsi stopper les pratiques de dumping pratiquées par la Chine, l'accord final ressemble à un compromis à minima qui souligne surtout, d'une part, la puissance chinoise, et d'autre part, le manque de vision commune des pays européens. D'ailleurs dans ce cadre, ce manque d'unité n'augure rien de bon en ce qui concerne les négociations en cours afin de déterminer les contours du futur accord de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis.

Détails de l'accord

L'accord porte sur les prix de vente et les quantités d'importations. En substance, il prévoit un prix minimum de 0,56 euros par watt importés de Chine sous condition que le montant total ne dépasse pas 7 gigawatts de panneaux solaires. Si d'aventure le montant total devait dépasser les 7 gigawatts, alors une taxation exceptionnelle de 47% serait appliquée.

L'articulation volume-prix de l'accord ne résout pas les problèmes mais en souligne de nouveaux.

  • En effet, la consommation européenne totale est de 10 gigawatts et le volume de 7 gigawatts ne représentera pas une diminution insurmontable pour la Chine. En revanche, reste à savoir si l'industrie photovoltaïque européenne sera en mesure de prendre en charge les 3 gigawatts restant.
  • De plus, le secteur de l'industrie photovoltaïque mondial se trouve actuellement en surcapacité, dès lors, le réel problème réside dans la nécessite d'augmenter la demande pour réduire ces surcapacités. Toutefois, les gouvernements européens ne veulent pas subventionner une industrie dont les retours ne bénéficieront pas à l'économie nationale, ce qui est incohérent avec l'objectif politique affiché de développer les énergies renouvelables.
  • Ne pas défendre des industries naissantes va à l'encontre de la logique économique qui voudrait que si des industries doivent être protégées, ce sont justement vers les industries naissantes qu'il faudrait orienter les efforts de protection, non pas vers les industries appelées à disparaitre ou en situation proche du monopole. Mais ces considérations sont souvent plus motivées par des enjeux politiques, voire électoralistes, qu'économiques.
  • Enfin, si le prix de 0,56 euros par watt représente une augmentation de +40% par rapport aux niveaux précédents l'accord, il n'en demeure pas moins que seule une augmentation de +90% aurait pu être jugée apte à refléter un juste prix pour la vente de panneaux photovoltaïques chinois. En effet, à ce prix, l'industrie européenne ne peut toujours pas concurrencer les producteurs chinois. il n'est pas suffisant pour dégager des marges et investir dans la recherche et le développement (R&D).

Analyse économique favorable à la Chine

L'analyse économique permet de souligner le caractère déséquilibré de l'accord conclu. En effet, les deux leviers par lesquels peuvent se traduire une politique commerciale sont les droits de douanes et la limitation des importations (quotas). Les deux leviers ont des effets similaires :

1) Les droits de douanes augmentent les prix pour les acheteurs (importateurs européens), ce qui les incite donc à diminuer leurs importations.

2) Les quotas créent une pénurie qui permet aux vendeurs d'augmenter leurs prix de vente aux consommateurs.

Au final, le résultat est identique, il y a une hausse des prix et les quantités importées diminuent.

Toutefois, malgré des résultats identiques, il existe des différences :

1) Avec une hausse des droits de douanes, la hausse du prix payé par les acheteurs est collectée par l'Etat (l'Europe en l'occurrence) sous forme de taxe.

2) Dans le cas d'une limitation des importations, ce sont les producteurs chinois qui collectent le supplément de prix. Ainsi, ce sont les acheteurs européens qui vont augmenter les bénéfices des producteurs chinois.

Dès lors, les termes de l'accord conclu est bénéfique pour la Chine. En effet, jusque-là, la Chine pratiquait des prix faibles du fait de ces surcapacités de production. Il fallait donc "casser" les prix pour écouler la production, quitte à faire de la vente à perte. Parallèlement, les producteurs européens ne vont pas augmenter leurs productions car ils ne sont pas subventionnés et car ils sont toujours non compétitifs par rapport aux producteurs chinois. Dès lors, la Chine va améliorer ses bénéfices tirés du consommateur européen, et ainsi le pays va consolider ses avantages sur les producteurs européens.

Le mécanisme final est relativement simple. La limitation des exportations de la Chine va augmenter les marges de ce pays, lui permettant ainsi de financer une montée en gamme (amélioration de la qualité), ce qui aboutira à augmenter leur compétitivité. L'avantage pour l'Europe est d'avoir évité une guerre commerciale lui permettant encore d'avoir accès au marché chinois.

Pour aller plus loin

Sylvain Fontan, “Les prémices d'une guerre commerciale entre l'UE et la Chine”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 11/06/2013.

Sylvain Fontan, “Première confrontation commerciale majeur entre la Chine et l'Union Européenne”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 14/05/2013.

Citation

Sylvain Fontan, “Une guerre commerciale entre la Chine et l'Union Européenne a été évitée”, décryptage publié sur «www.leconomiste.eu» le 04/09/2013.